« Le patient suivi pour un cancer doit se rendre régulièrement à l'hôpital pour des consultations. Or il a parfois un temps de trajet conséquent, une fatigue importante et doit patienter longtemps dans les couloirs de l'hôpital avant de pouvoir être vu par son médecin. Par ailleurs, sa consultation est parfois très rapide et uniquement dédiée à la surveillance de ses symptômes », souligne la Dr Maya Gutierrez, oncologue médicale à l'Institut Curie. Dans ce cas précis, la télésurveillance, menée via des outils numériques, peut avoir un réel intérêt pour soulager le patient et l'organisation hospitalière.
Partant de ce constat, des soignants, des patients avec l'aide de l'Agence régionale de santé (ARS) Ile–de-France ont lancé en 2016 un programme de télésuivi effectué au domicile des patients bénéficiant d’une chimiothérapie ou d’une thérapie ciblée d’administration orale. Ce programme baptisé Appli Chimio a fait l'objet d'une première évaluation sur 100 patients à l'Institut Curie, il se concrétise sous la forme d'une application mobile. L'application permet au patient d’évaluer et de renseigner, chaque jour, depuis son domicile, les symptômes issus de son traitement. En effet, les chimiothérapies et les thérapies ciblées sont fréquemment responsables d’effets secondaires parfois sévères en matière de morbidité voire de mortalité. Par ailleurs, l'administration orale de ces traitements diminue la fréquence des venues du patient à l’hôpital : le dépistage de leurs toxicités peut alors être plus tardif et effectué à un stade plus sévère.
Une télétransmission graduée
« En fonction du nombre de symptômes, de leur sévérité, leur fréquence, leur durée et leur interférence avec la vie quotidienne, l'algorithme d'Appli Chimio va les classer par niveau d’urgence en 4 feux : vert, jaune, orange ou rouge. Suivant la gravité de l’alerte, une télétransmission optimisée est réalisée au réseau de proximité ou au service d’oncologie. Elle permet, ainsi une réponse graduée et la coordination des soins entre ville et hôpital », précise Maya Gutierrez.
L'algorithme d'Appli Chimio est ainsi adapté à la demande des médecins. En effet, si certains symptômes sont particulièrement graves et nécessitent une prise en charge rapide (mucites, aphtes buccaux, par exemple), d'autres (comme la fatigue) sont très gênants pour le patient mais sont considérés comment étant moins urgents par l'oncologue. « Lorsque le patient indique — via Appli Chimio — qu'il souffre d'aphtes empêchant l'alimentation, l'équipe qui suit le patient est immédiatement informée : une alerte est envoyée au professionnel de santé en charge du télésuivi. À l'inverse, le symptôme de fatigue ne relève pas du même degré d’urgence », note Maya Gutierrez.
Une application sécurisée
Ce type de télésurveillance à domicile doit permettre une meilleure gestion des effets indésirables, une amélioration de l’observance et une diminution de l’angoisse pour le patient. Concernant les symptômes et effets secondaires, l'évaluation d'Appli Chimio a montré que les patients renseignent de la même façon cette application mobile que le médecin en face-à-face. « Autrement dit, ils indiquent les mêmes symptômes dans les deux situations ; il n'y a donc pas de perte d'information. Par ailleurs, l'algorithme est fiable : lorsqu'il classe les symptômes du patient en feux verts, cela signifie que tout va bien et qu'il n'a pas besoin de consulter un médecin pour ces derniers. Nous rassurons alors le patient à distance concernant ses symptômes. Nous espérons ainsi, via Appli Chimio, diminuer les consultations et les hospitalisations inutiles ou non programmées grâce à une anticipation et une meilleure gestion des situations urgentes », affirme Maya Gutierrez. Les centres investigateurs et les réseaux de santé pilotes sont responsables du télésuivi des patients. Ils répondent, par ailleurs, aux alertes et à toute question des patients ou des aidants concernant le télésuivi.
Détecter la récidive et la dépression
Outre les effets secondaires des chimiothérapies et les thérapies ciblées orales, Appli Chimio permet de détecter une éventuelle récidive du cancer ainsi que la dépression. « Certains patients remplissent beaucoup d'effets secondaires sur cette application alors même que leurs résultats médicaux sont bons. Ce décalage entre le ressenti de leurs symptômes et leur état de santé réel peut être le signe d'une dépression sous-jacente », note la Dr Maya Gutierrez. Dès le mois de novembre 2017, une étude multicentrique évaluera auprès de 400 patients la qualité des conseils qu'ils ont reçus concernant la gestion de leurs symptômes de la part des centres investigateurs et des réseaux de santé pilotes.
D'après un entretien avec la Dr Maya Gutierrez, oncologue médicale à l'Institut Curie
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