Actuellement, les AOD ne sont pas agréés dans les prothèses valvulaires, et même formellement contre-indiqués dans les prothèses mécaniques suite à l'essai interrompu précocement en 2013, Re-Align. Il comparait le dabigatran à la warfarine et avait mis en évidence un excès d'évènements thrombotiques et hémorragiques dans le bras dabigatran (1), mis sur le compte du traitement anticoagulant lui-même et de la situation pathologique. Les AOD inhibent en effet exclusivement la thrombine (dabigatran) ou le facteur Xa (rivaroxaban, apixaban, endoxaban…) quand les AVK inhibent la thrombine et la production des facteurs VII, IX et X. Et la thrombogénie associée aux valves mécaniques diffère grandement de celle de la FA. L'essai RIVER, présenté au e-congrès de l'AHA, évalue donc le rivaroxaban (20 mg/j) par rapport à la warfarine chez des porteurs de bioprothèse valvulaire mitrale souffrant de FA (2).
Une étude de non-infériorité
Dans cette étude ouverte brésilienne, 1 000 patients, âge médian 59 ans, ont été recrutés auprès de 50 centres. Ils étaient tous atteints d'une FA et sous thromboprophylaxie avant la chirurgie valvulaire. Ils ont été randomisés en postopératoire, sauf en cas de haut risque hémorragique ou de FA transitoire post-chirurgicale. Parmi eux, on dénombre 60 % de femmes, 96 % présentant une FA, 4 % un flutter, 61 % une hypertension artérielle, 39 % une insuffisance cardiaque et 15 % un antécédent d'accident vasculaire cérébral (AVC) ou ischémique transitoire (AIT). Leur CHA2DS2-VASc moyen est à 2,6.
L'intervalle entre la chirurgie mitrale et la randomisation est de moins de 3 mois dans 20 % des cas, de 3 à 12 mois chez 16 %, d’1 à 5 ans chez un tiers et supérieure à 5 ans chez un autre tiers. Enfin, dans le bras AVK, les patients étaient dans l'INR cible 65 % du temps.
Le critère primaire est un composite de décès, évènements cardiovasculaires (CV) majeurs et hémorragies majeures à 12 mois. Le critère secondaire rassemble les décès CV et les évènements thromboemboliques (AVC, AIT, thrombose veineuse profonde, embolisme pulmonaire, thrombose de valve et embolisme systémique sans rapport avec le système nerveux central). La tolérance porte sur les hémorragies.
Des résultats équivalents
Le délai moyen avant la survenue d'un évènement majeur est de 347 jours sous rivaroxaban versus 340 sous warfarine (p < 0,001 pour la non-infériorité ; p = 0,10 NS pour la supériorité). À 12 mois, le critère composite secondaire des décès CV et évènements thromboemboliques ne diffère pas : 3,4 % (17 patients) sous rivaroxaban versus 5,1 % (26 patients) sous warfarine (RR = 0,65 ; NS). Sous rivaroxaban et warfarine, on a observé respectivement 0,6 % versus 2,4 % d'AVC (RR = 0,25 ; 0,1-0,9) et 1 % versus 0,6 % de thromboses de valve. Enfin, en termes de saignements, ont été rapportés : 1,4 % versus 2,6 % d'hémorragies majeures (RR = 0,54, NS), 4,8 % versus 4,6 % d'hémorragies non majeures cliniquement parlantes, aucune hémorragie intracrânienne versus 1 % et aucune hémorragie fatale versus 0,4 %. Ainsi, les taux de saignements sont comparables dans les deux bras.
Un signal positif à confirmer
« Cette étude RIVER centrée sur l'anticoagulation de sujets ayant une FA et une bioprothèse mitrale confirme ce qui avait déjà été mis en évidence dans de petites études antérieures. À savoir que dans cette situation, AOD et AVK ou plus précisément rivaroxaban à la dose de 20 mg/j et AVK font jeu égal, résument les auteurs. C'est intéressant puisque les AOD ne requièrent pas de monitoring et que leur effet fluctue moins avec l'alimentation ou les co-médications que la warfarine. Néanmoins, avant d'élargir ce résultat à d'autres sous-groupes de patients, des études complémentaires sont nécessaires ».
(1) Blatchford J et al. NEJM 2013;369:1206-14.
(2) Guimarães HP et al. NEJM 2020; DOI: 10.1056/NEJMoa2029603
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