La dernière version datant de 2013, les recommandations américaines sur l’IC se devaient d’intégrer les données les plus récentes issues des essais thérapeutiques randomisés. Globalement, elles se situent sur la même ligne que les recommandations présentées en 2021 au congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC) qui consacraient les deux nouveaux traitements de l’IC. Après l’arrivée d’un inhibiteur du récepteur de l’angiotensine néprilysine (ARNI), le sacubritil/valsartan, une autre famille de molécules s’est développée chez les patients diabétiques ou non : les inhibiteurs des cotransporteurs sodium-glucose de type 2 (iSGLT2). « Avec les résultats des essais DAPA-HF et EMPEROR qui montraient une réduction de 30 % de la mortalité et des hospitalisations pour IC, nous avons franchi un grand pas dans la prise en charge de ces patients vulnérables », se félicitait la Pr Biykem Bozkurt (Texas).
Associer d’emblée quatre classes thérapeutiques
On a donc désormais quatre grandes classes thérapeutiques en première ligne de l’IC (en plus des diurétiques si l’IC est congestive) : les bloqueurs du SRA (avec ou sans sacubitril), les bêtabloquants, les antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes (ARMC) et les iSGLT2, qui ont fait leurs preuves sur la morbimortalité dans l’IC dès que la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) est inférieure à 50 %. Petite nuance, les Américains considèrent que l’ARNI est l’inhibiteur du SRA de référence si la pression artérielle systolique est supérieure à 100 mm Hg. Des deux côtés de l’Atlantique, il est fortement recommandé d’instaurer, en l’absence de contre-indications, ces quatre classes thérapeutiques d’emblée et le plus rapidement possible. La stratégie classique consistant à prescrire une molécule titrée jusqu’à sa dose optimale, puis associée à une autre dont la posologie sera à son tour augmentée, est longue à mettre en œuvre. Elle s’est ainsi montrée bien moins efficace et tolérée que l’association d’emblée des quatre familles thérapeutiques à faible dose.
Traiter précocement
Une particularité notable des recommandations américaines est qu’elles insistent sur l’importance de la prévention à des stades précoces, qu'elles nomment A et B, en référence à une classification spécifique utilisée parallèlement à celle de la NYHA. Le stade A correspond à des formes asymptomatiques, sur le plan clinique et paraclinique, mais à haut risque d'IC en raison de facteurs de risque : syndromes coronariens aigus ou chroniques, hypertension artérielle, pathologies métaboliques, lésions valvulaires, traitements cardiotoxiques comme certaines chimiothérapies. La prise en charge doit intervenir avant le remodelage ventriculaire. Le stade B est aussi asymptomatique, mais avec déjà quelques anomalies échographiques ou une augmentation des peptides natriurétiques, qui peuvent amener à discuter de l’utilisation des inhibiteurs du SRA.
Enfin un traitement pour l’ICFEp !
Lorsque la FEVG est supérieure à 40 %, il est indispensable d’authentifier l’IC par le dosage des peptides natriurétiques, l’évaluation de la fonction diastolique, voire un bilan hémodynamique.
Les recommandations américaines ont intégré l’étude EMPEROR-preserved, publiée après le congrès de l’ESC, « qui pour la première fois faisait la preuve qu’un traitement (l'empagliflozine) améliorait le critère primaire quand la FEVG était supérieure à 40 % », insiste le Pr Paul Heidenreich (Californie, États-Unis).
Chez les patients dont la FEVG est « modérément réduite » (entre 41 et 49 %), il est proposé les iSGLT2 en première ligne (recommandation de niveau IIa). Les inhibiteurs du SRA, les ARMC ou les bêtabloquants ont une recommandation de niveau plus faible (IIb) mais peuvent être discutés. Chez les patients dont la FEVG est passée en dessous de 40 % mais a ensuite récupéré, le traitement doit être poursuivi pour éviter les très fréquentes rechutes.
Dans les ICFEp avec FEVG supérieure à 50 %, les Américains sont plus actifs que les Européens, puisqu’ils ne se limitent pas au traitement étiologique mais proposent aussi des iSGLT2 (classe IIa), voire l’ARNI et les ARMC (classe IIb).
(1) Heidenreich PA et al. J Am Coll Cardiol. 2022 May, 79 (17) e263–e421
(2) Ezekowitz JA et al. Lancet 2022 Apr 9;399(10333):1391-1400
(3) Weir MR et al. N Engl J Med. 2015 Jan 15;372(3):211-21
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