Le point majeur des recommandations pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque (IC) édictées par la Société européenne de cardiologie (ESC) est la place des inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2) dans toutes les formes d’IC, quelle que soit la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG), pour réduire le risque d’hospitalisation pour IC et de décès cardiovasculaire.
En 2021, cette recommandation n’était de classe IA que dans les IC à fraction d’éjection réduite (FEVG ≤ 40 %). Désormais, ces molécules (dapagliflozine et empagliflozine) doivent aussi être prescrites dans les IC à fraction d’éjection modérément réduite et préservée, avec niveau de preuve IA. « Il s’agit donc, comme pour les diurétiques de l’anse, d’un traitement universel de l’IC, qui peut en pratique être débuté par le médecin traitant avant même les données de l’échographie, lesquelles permettront d’ajuster le traitement en fonction de la FEVG », souligne le Pr Michel Galinier (CHU de Toulouse).
Autre nouveauté chez les patients ayant une IC à FEVG modérément réduite, une recommandation de classe IIB pour les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine 2 et à la néprilysine (IEC/ARA2/ARNI), les bêtabloquants et les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes.
En cas de FEVG préservée, à côté des diurétiques de l’anse et des iSGLT2, les experts mettent l’accent (classe I) sur le traitement étiologique et la prise en charge des comorbidités.
Doses maximales dans les six semaines
« En pratique, il faut frapper vite et fort, comme l’a démontré l’étude Strong-HF publiée au début de l’année », souligne le Pr Galinier. Un patient hospitalisé pour une poussée d’IC doit sortir avec une quadrithérapie – ou une bithérapie si la FEVG est préservée – avec l’objectif d’atteindre les doses maximales tolérées dans les six semaines. Un objectif tout à fait réalisable au prix d’une organisation rigoureuse, qui peut notamment être facilitée par les téléconsultations. Le rôle des médecins généralistes dans la chaîne de soins devrait s’accentuer.
Comorbidités en tête : diabète et carence martiale
En 2021, l’accent avait déjà été mis sur le diabète de type 2 (DT2), avec la préconisation d’un iSGLT2 chez les patients diabétiques à risque cardiovasculaire.
Cette année, chez les sujets ayant un DT2 et une maladie rénale chronique (MRC, définie par une baisse du débit de filtration glomérulaire et une microalbuminurie), les experts donnent une recommandation de classe IA pour les iSGLT2 et la finérénone, premier représentant d’une nouvelle classe de médicaments, non encore commercialisée en France, les antagonistes non stéroïdiens des récepteurs minéralocorticoïdes. Cette stratégie permet de réduire le risque d’aggravation de la maladie rénale et d’améliorer le pronostic cardiovasculaire.
Autre comorbidité mise en avant dans les recommandations, la carence martiale est particulièrement fréquente puisqu’elle concerne un patient insuffisant cardiaque sur deux. Elle aggrave les symptômes, réduit la capacité d’effort et grève le pronostic. Les recommandations de 2021 se trouvent renforcées par suite des résultats de l’étude IronMan et des données issues d’une méta-analyse.
Chez les patients symptomatiques ayant une IC à FEVG réduite ou modérément réduite, une supplémentation en fer par voie veineuse (carboxymaltose ferrique) est recommandée (classe I) en cas de carence martiale pour améliorer les symptômes et la qualité de vie et doit être considérée (carboxymaltose ferrique ou dérisomaltose ferrique, classe IIa) pour réduire le risque d’hospitalisation pour IC.
Des recommandations à analyser au regard des résultats décevants de l’étude Heart-FID (pas d’effet du carboxymaltose ferrique sur la survie à un an) et de ceux, positifs, d’une méta-analyse, présentés lors du congrès, sur la prévention des hospitalisations. « Les patients ayant une carence martiale fonctionnelle semblent être ceux qui tirent davantage de bénéfices du carboxymaltose ferrique, ce qui suggère la nécessité d’affiner nos prescriptions de fer », estime le Pr Galinier.
Sémaglutide, la preuve par Step-HFpEF
Temps fort du congrès : la démonstration, dans l’étude Step-HFpEF, des bénéfices fonctionnels d’un analogue du GLP1, le sémaglutide, chez des patients obèses non diabétiques ayant une IC à FEVG préservée (> 45 %).
Comparativement à un placebo, au terme d’une année de suivi, le sémaglutide a été associé à une perte de poids de 15 kg en moyenne (13 % du poids corporel initial) et à une amélioration du score KCCQ-CSS (les deux critères principaux d’évaluation) et ce, avec une bonne tolérance. L’administration a également permis d’améliorer la distance de marche de six minutes et de réduire le syndrome inflammatoire, attesté par le taux de CRP, critères secondaires de cette étude multicentrique randomisée en double aveugle.
Ces bénéfices sont-ils expliqués par la perte de poids, par un effet pléiotrope anti-inflammatoire, ou hémodynamique ? « La question reste ouverte mais, pour la première fois, un analogue du GLP1 fait la preuve de son intérêt dans l’IC à FEVG préservée, quelle que soit la valeur de l’HbA1c », note le Pr Galinier. Il faut maintenant évaluer les effets de cette molécule sur des critères durs, mais ces données ouvrent la voie à un traitement étiologique de l’IC chez les sujets obèses.
Entretien avec le Pr Michel Galinier, CHU de Toulouse
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