Tester la réactivité plaquettaire avant angioplastie

Pas d’utilité démontrée en pratique

Publié le 05/12/2012
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Crédit photo : BSIP

LA PERSISTANCE possible d’une réactivité plaquettaire élevée chez les patients traités par du clopidogrel a été mise en évidence depuis plusieurs années. Ses causes sont multiples et son incidence varie de 4 à 40 %, selon son importance et les tests utilisés. Elle peut retentir sur le pronostic. Dans le cadre d’un syndrome coronaire aigu et/ou d’une angioplastie coronaire, les patients gardant une réactivité plaquettaire élevée malgré un traitement par clopidogrel ont, en moyenne, un risque plus élevé de nouveaux événements ischémiques que ceux ayant une inhibition plus complète de l’agrégabilitié plaquettaire.

Plusieurs tests sont disponibles pour évaluer la résistance au clopidogrel et différentes stratégies thérapeutiques ont été envisagées, et/ou évaluées, et/ou sont pratiquées, pour tenter de diminuer le risque qui lui est associé. Ces stratégies consistent, soit à majorer le traitement, en augmentant les doses de clopidogrel (plusieurs comprimés lors des jours per-angioplastie et/ou utiliser 2 à 3 comprimés par jour, pendant une période donnée dans les suites de la procédure) ou en lui associant un autre antiagrégant plaquettaire (comme un antiGpIIb/IIIa lors de l’angioplastie), soit à changer d’antiagrégant plaquettaire, notamment en ayant recours aux nouveaux représentants, comme le prasugrel ou le ticagrelor.

Aucun élément fiable ne soutient des telles attitudes et au moins deux études, les essais GRAVITAS et TRIGGER PCI, n’ont pas démontré la validité des stratégies d’adaptation du traitement antiagrégant plaquettaire lorsqu’elles sont appliquées aux seuls patients ayant une inhibition de la fonction plaquettaire élevée, comparativement à ceux patients ayant une fonction plaquettaire suffisamment inhibée et maintenus sous traitement conventionnel.

Une étude bien réfléchie.

L’étude ARCTIC, coordonnée par Jean-Philippe Collet et Gilles Montalescot (Pitié-Salpêtrière, Paris), est une étude au protocole bien réfléchi. Elle a consisté à comparer deux groupes devant avoir une angioplastie coronaire, de façon prospective et randomisée. L’un des groupes devait être traité de façon conventionnelle, selon les modalités adaptées à l’état des connaissances scientifiques. L’autre devait, et ce pour l’ensemble des patients, avoir un test de fonction plaquettaire sous clopidogrel et aspirine, avant la pratique de l’angioplastie et 14 à 30 jours après celle-ci. Au sein de ce deuxième groupe, dont la fonction plaquettaire était évaluée par le test VerifyNow, ceux dont l’inhibition de la fonction plaquettaire ne serait pas suffisante (définie par un seuil admis) auraient une adaptation du traitement antiagrégant plaquettaire, par augmentation des doses de clopidogrel et/ou par ajout d’un autre antiagrégant plaquettaire et/ou par modification du traitement antiagrégant plaquettaire, et ce avant la procédure d’angioplastie, mais aussi au décours de celle-ci, si le test effectué de façon différé ne montrait toujours pas une inhibition suffisante de la réactivité plaquettaire.

Le critère primaire évalué comprenait les décès toutes causes, les IDM, les AVC et AIT, les revascularisations en urgence et les thromboses de stent survenus dans l’année suivant la randomisation.

Au terme de l’inclusion de 2 440 patients et du suivi moyen d’un an, l’incidence des événements du critère primaire n’a pas été significativement différente dans les deux groupes comparés : 34,6 % dans le groupe avec stratégie adaptée et 31,1 % dans le groupe témoin (RR = 1,13 ; p = 0,10). De même, l’incidence des thromboses de stent n’a pas différé significativement entre les groupes (0,7 % dans le groupe sans surveillance plaquettaire et 1 % dans le groupe avec).

Dans le groupe avec stratégie adaptée, l’incidence préangioplastie de la résistance à l’aspirine était de 7,6 % et celle de la résistance au clopidogrel de 35 %.

L’incidence des événements hémorragiques a été équivalente les deux groupes comparés : 3,1 % dans le groupe avec surveillance plaquettaire et 4,5 % dans le groupe sans (p = 0,15).

Pas de modification des pratiques conventionnelles.

Les études antérieures avaient comme principe d’évaluer la fonction plaquettaire chez tous les patients, et de traiter différemment ceux ayant une inhibition plaquettaire insuffisante pour les comparer à ceux ayant une inhibition plaquettaire suffisante. L’originalité de l’étude ARCTIC est d’avoir essentiellement évalué l’apport d’un test de fonction plaquettaire plutôt que de comparer un traitement par rapport à un autre en fonction d’un marqueur, l’inhibition plaquettaire.

En ne montrant pas de différence entre deux groupes de patients ayant eu une angioplastie, selon qu’ils ont eu ou non un test de fonction plaquettaire, cette étude rend compte de l’inutilité de la méthode en pratique clinique courante.

ARTIC et sa conclusion ont cependant deux limites. La première est que le test utilisé, VerifyNow, pourrait ne pas être le mieux adapté à l’évaluation de la fonction plaquettaire. Il a cependant été largement évalué et ses résultats sont en général corrélés avec la survenue d’événements ischémiques ultérieurs. La deuxième est que l’adaptation de la stratégie antithrombotique n’est peut-être pas optimale. Toutefois, tous les essais de puissance et de durée suffisantes ayant évalué une stratégie antithrombotique en fonction d’une résistance aux antiagrégants plaquettaires ont donné des résultats concordants en termes d’incidence clinique.

D’après la communication de Gilles Montalescot (Paris). A Randomized Trial of Bed› side Platelet Function Monitoring to Adjust Antiplatelet Therapy Versus Standard of Care in Patients Undergoing Drug Eluting Stent Implantation: The ARCTIC Study.

Dr F. D.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9201