Jusqu’à présent, les essais thérapeutiques contrôlés n’avaient pas montré qu’il y a un bénéfice clinique net à diminuer la PAS à des valeurs inférieures à 130 mm Hg. Ceci a été confirmé en 2010, lorsque l’étude ACCORD BP, conduite exclusivement chez des diabétiques de type 2, a montré que si, atteindre une PAS inférieure à 120 mm Hg, plutôt que de la maintenir juste au-dessous de 140 mm Hg, diminue le risque d’AVC, en revanche cela ne diminue aucun des autres risques liés à l’élévation de la PAS et comporte de plus de nombreux effets indésirables. Des analyses complémentaires des essais disponibles ont même montré qu’il semble exister une courbe en J lorsqu’un traitement antihypertenseur est proposé à un hypertendu, avec, dans certains travaux, une augmentation de la mortalité totale lorsque la PAS est abaissée en-dessous de 120 mm Hg.
La cause semblait si bien entendue que la plupart des recommandations des dernières années pour la prise en charge de l’HTA avaient relevé les valeurs cibles en proposant d’atteindre une PAS entre 130 et 140 mm Hg pour tous les patients, y compris les diabétiques et les insuffisants rénaux. Aux États-Unis en 2014, partant du principe qu’on ne disposait pas de preuve d’une réduction de la mortalité totale lors de l’atteinte d’une PAS en dessous de 150 mm Hg, la cible thérapeutique était devenue une PAS inférieure à 150 mm Hg. Et voilà qu’arrive SPRINT.
Une conclusion simple...
Le résultat de l’étude SPRINT paraît simple : chercher à atteindre une PAS inférieure à 120 mm Hg plutôt que la maintenir juste en dessous de 140 mm Hg diminue la mortalité totale et les événements CV majeurs,
mais au prix de nombreux effets indésirables.
Ce résultat s’applique chez des patients âgés d’au moins 50 ans, à risque CV élevé (risque d’IDM de 25 % à 10 ans et de décès CV de 14 % à 10 ans) pouvant avoir une insuffisance rénale mais n’ayant pas de diabète et pas d’antécédent d’AVC.
Le bénéfice s’exprime principalement par une réduction des insuffisances cardiaques (incidence annuelle dans le groupe contrôle : 2,1 %), sans réduction significative des IDM (incidence annuelle dans le groupe contrôle : 2,5 %) ni des AVC (incidence annuelle dans le groupe contrôle : 0,9 %).
Le résultat s’exprime aussi chez les insuffisants rénaux, mais essentiellement sur le plan CV, sans réduction des événements rénaux (modification du DFG, insuffisance rénale terminale, nouvelle albuminurie).
…et des questions
La publication de cette étude a été accompagnée de nombreux éditoriaux, notamment 3 dans le New England Journal of Medicine et 5 dans la revue Hypertension, rendant compte de son importance et des questions qu’elle pose. Les questions posées sont simples et les réponses le sont parfois aussi.
Faut-il atteindre une PAS inférieure à 120 mm Hg alors qu’il y a de nombreux effets indésirables et une augmentation du risque d’insuffisance rénale aiguë ? Oui, puisque malgré cela, il y a un bénéfice clinique net avec une réduction de la mortalité totale.
Comment faire ? En ajoutant un seul traitement antihypertenseur chez les patients dont la PAS est proche de 140 mm Hg.
Chez quels patients ? Chez ceux ayant au moins 50 ans et un risque CV élevé, même s’il y a une
insuffisance rénale. Le traitement diminuera le risque CV des insuffisants rénaux, sans améliorer le pronostic rénal, du moins à 3 ans.
Mais les réponses peuvent être moins simples. Faut-il tenter d’abaisser la PAS en dessous de 120 mm Hg chez un patient ayant une PAS de base, sans traitement, à 130 mm Hg ? Quelle doit être la valeur cible de PAS chez les diabétiques ? Et chez les patients ayant un antécédent d’AVC ? Cette étude reflète-t-elle la réalité lorsque l’on constate qu’il est possible d’obtenir une PAS à 120 mm Hg en moyenne, avec 3 traitements antihypertenseurs en moyenne ? Pourquoi n’y a-t-il pas de réduction significative des IDM et surtout des AVC alors que ces derniers sont très « pression dépendant » ? Si les résultats de cette étude sont globalement concordants avec les données des études d’observation épidémiologiques, pourquoi sont-ils discordants avec ceux des études d’intervention jusqu’ici disponibles ? En quoi, des modalités de suivi différentes entre les groupes (les patients du groupe intervention ont eu plus de consultations lors du suivi que ceux du groupe contrôle) ont-elles pu influencer les résultats, notamment par un meilleur suivi permettant de mieux prévenir certains événements (comme par exemple et peut être en ajoutant des diurétiques en cas de dyspnée et/ou d’œdèmes des membres inférieurs permettant une meilleure prévention de l’insuffisance cardiaque) et/ou une plus grande déclaration des événements indésirables par exemple ?
En pratique
Le résultat de cette étude paraît impressionnant car il repose sur un bénéfice marqué par une réduction de la mortalité totale. L’étude pose néanmoins de nombreuses questions qui ne permettent pas d’en garantir l’applicabilité en pratique clinique et la leçon la plus simple qu’elle semble induire est la suivante : chez les patients sans diabète, sans antécédent d’AVC, ayant au moins 50 ans et un risque CV élevé qui sont hypertendus traités, et qui ont une PAS proche de 140 mm Hg, il est bénéfique, sous surveillance régulière et si cela est bien toléré, d’ajouter un médicament antihypertenseur au traitement en cours.
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