« La hausse de l’incidence des cancers du pancréas devrait se poursuivre, prédit le Pr Côme Lepage (CHU de Dijon). Ce cancer, à 90 % un adénocarcinome, touche surtout les plus âgés. Pour autant, l’analyse de l’incidence standardisée sur l’âge montre que cette hausse ne s’explique pas uniquement par le vieillissement de la population. »
La hausse de l’incidence devrait se poursuivre
Pr Côme Lepage
Le tabac toujours en tête
Et en effet, le tabac est toujours en tête des causes identifiées. En 2023, 23,1 % des adultes fumaient quotidiennement, la proportion la plus faible depuis la fin des années 1990 (chiffres SPF 2025). Le recul du tabagisme parmi les jeunes de 17 ans, amorcé depuis 2014, s’est confirmé en 2022 (enquête Escapad). Des tendances trop récentes pour qu’elles se répercutent sur les chiffres du cancer du pancréas. « L’incidence de ce cancer présente deux pics : autour de 50-55 ans et vers 80 ans, indique le Pr Lepage, avec des mécanismes probablement différents. Parmi les patients autour de la cinquantaine, la proportion de fumeurs ou d’anciens fumeurs est importante. » Or le tabagisme double au moins le risque de cancer du pancréas, et augmente encore avec l’intensité, la durée et la dose cumulée de tabac (1).
Obésité et diabète
Second facteur de risque majeur de cancer du pancréas : la surcharge pondérale. L’obésité multiplie ce risque par 2,6 (2). Et un IMC entre 35-40 kg/m² multiplie le risque par 1,5. Or l’obésité concerne aujourd’hui 39 % de la population mondiale ; en France, la prévalence de l’excès de poids est de 47,3 %, dont 17 % d’obésité, chez des populations de plus en plus jeunes (3).
Quant au diabète, il multiplierait le risque de cancer du pancréas par 1,9 (4). Une étude chez 1 421 794 vétérans de l’armée américaine (5) s’accorde sur ce risque doublé chez les diabétiques. Selon d’autres données, alors que dans la population générale le risque serait de 0,1 %, il atteindrait 1 % trois ans après le diagnostic chez les diabétiques, soit un risque multiplié par 10 (6). La réalité se situe probablement entre ces deux estimations.
En toute logique, le syndrome métabolique n’est pas en reste. Une étude coréenne (8 millions d’adultes ; suivi moyen de 5,1 ans) confirme que le risque est plus élevé dans ce contexte (7). Ceux qui ont guéri leur syndrome métabolique présentent moins de risque que ceux chez qui il persiste, toutefois il reste plus élevé que les individus indemnes.
La part de l’alcool
Dans une méta-analyse de dix études cas‑témoins, comparés aux individus consommant entre 0 et 1 unité d’alcool par jour, ceux dont la consommation dépassait 6 U/J présentaient un risque multiplié par 1,5 de cancer du pancréas (8). D’après une seconde méta-analyse (30 cohortes prospectives ; 2,5 millions de personnes, suivi moyen de 16 ans) publiée en 2025 (9), la consommation d’alcool augmenterait le risque de cancer du pancréas de 3 % pour chaque tranche de 10 g/j. Ce surrisque atteindrait 32 % au-delà de 60 g/j.
Et l’environnement ?
Bien que montré du doigt, les connaissances sur le rôle de l’environnement sont fragmentaires. « L’exposition aux polluants atmosphériques, pourtant évoquée avec les PM 2,5, n’a montré aucune association claire avec le cancer du pancréas, dans une présentation à l’ESMO 2022 (10) », souligne le Pr Lepage. Tout aussi difficile de se prononcer fermement sur l’exposition aux microplastiques ou aux PFAS. L’exposition à certains toxiques professionnels est mieux documentée. « L’amiante, les pesticides, le benzène et les hydrocarbures chlorés augmentent le risque de cancer du pancréas, avec des HR compris entre 1,2 et 1,7 », note le spécialiste. Délicat cependant d’étendre ces résultats à la population générale.
(1) Lynch SM et al. Am J Epidemiol. 2009 Aug 15;170(4):403-13
(2) Calle EE et al. N Engl J Med. 2003 Apr 24;348(17):1625-38
(3) Fontbonne A et al. J Clin Med. 2023 Jan 25;12(3):925
(4) Ben Q et al. 2011 Sep;47(13):1928-37
(5) Gupta S et al. 2006;4(7):833–8
(6) Chari ST et al. 2005 Aug;129(2):504-11
(7) Park JH et al. Gastroenterology. 2022 Feb;162(2):509-520.e7
(8) Lucenteforte E et. Ann Oncol. 2012 Feb;23(2):374-82
(9) Naudin S et al. PLoS Med. 2025 May 20;22(5):e1004590
(10) Bogumi D et al. Environ Res. 2021 Nov:202:111608
Article précédent
Resmetirom, efruxifermine, sémaglutide : la Mash accélère
Article suivant
La biopsie retrouve sa place centrale dans le diagnostic du carcinome hépatocellulaire
Éditorial : Engageons-nous dans nos sociétés savantes !
Douleurs anales : il n’y a pas que les hémorroïdes
L’IA va-t-elle changer la pratique de l’endoscopie ?
Mici : l’échographie intestinale entre dans les recommandations pour la surveillance
Resmetirom, efruxifermine, sémaglutide : la Mash accélère
Cancers du pancréas : une épidémiologie en question
La biopsie retrouve sa place centrale dans le diagnostic du carcinome hépatocellulaire
Des biomarqueurs indispensables dès le diagnostic d’adénocarcinome œsogastrique
Le pilotage de précision des grossesses sous immunosuppresseurs
Sarcoïdose : souvent thoracique, mais pas que
Savoir évoquer une dermatose neutrophilique
Un Pots encore mal connu