Le sort s'acharne sur le vaccin HPV en France. À peine est démontrée l'absence d'association entre vaccin HPV et maladie auto-immune suite aux quelques cas médiatisés qui ont fortement marqué les esprits, qu'une nouvelle polémique est lancée.
Le Dr Nicole Delépine, relayée par le député Gérard Bapt, se pose en lanceuse d'alerte. La pédiatre oppose qu'il y a une augmentation des cas de cancers invasifs du col de l'utérus depuis la vaccination HPV, à partir des courbes de 4 pays ayant vacciné en masse. En Australie, il y aurait même un doublement (+100 %) en 7 ans de l'incidence des cancers dans le groupe en âge d'être vacciné au début de la campagne (13-17 ans).
Pour la Société de colposcopie (SFCPCV), il s'agit de « fake news ». « Le virus HPV est indispensable au développement du cancer du col », a expliqué le Pr Jean Gondry, gynécologue au CHU d'Amiens et président de la SFCPCV. Or le vaccin ne contient pas de virus, mais des pseudo-particules virales entraînant la production d'anticorps neutralisants. « Le vaccin HPV est une "coquille vide" sans agent infectieux, poursuit le spécialiste. Pour la carcinogenèse, il faut au minimum 8 ans entre le contact HPV et le cancer ».
Pour la SFCPCV, l'interprétation faite par la pédiatre des données d'Australie est erronée. Si une augmentation des cancers a bien été constatée au fil du temps, - y compris dans les tranches d'âge non vaccinées -, cela ne peut pas s'expliquer par la vaccination HPV. « L'incidence des cancers est mesurée en 2014, explique Jean Gondry. Soit 7 ans après le début de la campagne chez des jeunes filles qui étaient pour la plupart âgées à l'époque de 13 ans et au plus de 17 ans. Il faut attendre les données d'incidence de 2019 pour pouvoir commencer à observer un impact de la vaccination sur les cancers ».
Cette nouvelle controverse arrive au plus mal. Les autorités sanitaires s'alarment depuis quelques années du taux de couverture très insuffisant pour le vaccin HPV en France, l'un des mauvais en Europe avec moins de 20 % de la population cible vaccinée.
Le vaccin HPV est aujourd'hui recommandé en France chez les jeunes filles de 11 à 14 ans et en rattrapage jusqu'à 19 ans, chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) jusqu'à l'âge de 26 ans et chez les immunodéprimés.
Le vaccin HPV, disponible à neuf valences depuis cet été, est un outil de prévention efficace des lésions du col de l'utérus. S'il faut encore attendre pour pouvoir mesurer l'impact sur l'incidence sur le cancer - la première AMM ayant été obtenue en 2006 et la première campagne de vaccination lancée en Australie en 2007 -, la vaccination a déjà fait la preuve de son efficacité sur la réduction des lésions de haut grade (CIN 2 et 3)*.
L'Australie affirme qu'elle pourrait éliminer le cancer du col de l'utérus dès 2028, notamment grâce à une couverture vaccinale importante des filles et des garçons. Une vingtaine de pays (Argentine, Grande-Bretagne, États-Unis, Canada, Italie, Autriche, Norvège, etc.) lui ont emboîté le pas en étendant la vaccination HPV aux garçons. En France, la Commission technique des vaccinations (CTV) à la Haute Autorité de Santé (HAS) est en cours d'évaluation depuis la fin de l'été l'intérêt d'une extension de la vaccination aux garçons hétérosexuels.
*Lancet 2011; 377:2085-92.
Article précédent
L'intelligence artificielle au service du dépistage
Article suivant
Quid des autres localisations de l'HPV
Des failles dans le remboursement du test HPV
L'intelligence artificielle au service du dépistage
Le vaccin HPV (encore) cible de « fake news »
Quid des autres localisations de l'HPV
Le cancer du col en chiffres
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024