LES BACTÉRIES productrices de shigatoxines, qui appartiennent au genre Shigella et à l’espèce Escherichia coli entérohémorragique (ECEH), infectent plus de 150 millions de personnes chaque année et sont responsables de plus d’un million de décès dans le monde. Or les antibiotiques ne peuvent être une option thérapeutique car ils augmentent le risque de libération de shigatoxines.
« L’épidémie récente d’infections virulentes à E. coli outre-Rhin était due à une souche productrice de shigatoxines. Les infections à Shigella sont responsables d’épidémies massives liées à l’eau souillée », a rappelé, dans un entretien au « Quotidien », le Dr Adam Linstedt de l’université Carnegie Mellon à Pittsburgh (États-Unis).
« Les patients infectés développent des symptômes gastro-intestinaux (diarrhées glairosanglantes, vomissements, crampes abdominales) et une fièvre modérée. La majorité d’entre eux guérissent complètement, mais dans 10 à 15 % des cas, les shigatoxines libérées par les bactéries entrent dans la circulation sanguine et affectent les autres organes. C’est ainsi que la toxine peut induire un syndrome hémolytique et urémique et une insuffisance rénale aiguë. Malheureusement, l’usage des antibiotiques est problématique car il augmente la libération de shigatoxines par les bactéries mourantes, et donc le risque de lésion rénale. »
Transport intracellulaire.
Mukhopadhyay et Linstedt ont axé leurs recherches sur le transport intracellulaire des shigatoxines. Ces dernières envahissent les cellules via un transport membranaire rétrograde, et échappent ainsi à la voie de dégradation lysosomale.
Le manganèse (Mn) est-il capable de bloquer le transport des shigatoxines dans les cellules ? Les auteurs montrent qu’il inhibe leur transfert des endosomes vers l’appareil de Golgi, mais aussi qu’il détourne les toxines vers les lysosomes, où elles sont dégradées. « Il s’agit là d’une action importante car elle signifie que les toxines résiduelles ne resteront pas dans la cellule. Nous confirmons, par ailleurs, que la protéine GPP130 est ciblée par le Mn ; lorsque nous exprimons une forme GPP130 insensible au Mn, le transport de la toxine vers l’appareil de Golgi est restauré. »
Une protection remarquable.
Les chercheurs ont ensuite voulu savoir si de faibles concentrations de Mn pouvaient protéger les cellules contre la mort induite par les shigatoxines. « Nous mettons en évidence une protection remarquable, d’un facteur 3 800. Nous avons alors examiné si le Mn pouvait protéger des souris contre une inoculation létale de shigatoxines. Alors que les souris témoins exposées à la toxine meurent dans les 3 à 4 jours, les souris ayant reçu du Mn avant l’exposition à la toxine sont complètement protégées contre la toxicité Shiga. »
« Plusieurs études sont nécessaires avant de s’assurer de l’efficacité du traitement de la toxicose par le Mn. Nous devons évaluer s’il protège des souris exposées à l’E. coli virulent producteur de shigatoxines. Jusqu’ici, nos expériences ont été faites en utilisant une toxine purifiée. S’il est probable que le Mn sera également efficace contre la bactérie productrice de toxine, il faut encore le confirmer. Nous devons aussi montrer la faisabilité d’une combinaison thérapeutique antibiotique + Mn. Nous devons enfin optimiser la voie d’administration et la dose de Mn, et conduire les études de toxicité permettant de vérifier que l’exposition au Mn n’induit pas de complications à long terme. Ces études, qui prendront entre quelques mois et quelques années, sont un préalable avant le passage aux essais cliniques chez les patients. »
Mukhopadhyay et coll. Science 20 janvier 2012.
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