Grâce aux travaux d'Alter, Houghton et Rice, le virus de l'hépatite C est aujourd'hui le seul virus responsable d'une infection chronique qu'il est possible d'éliminer complètement avec une bonne tolérance. Un exploit obtenu en un peu plus de 20 ans seulement après la découverte du virus.
« Avant l'arrivée de la PCR, nous n'avions que les transaminases comme marqueur de la maladie, se souvient le Pr Patrick Marcellin, hépatologue à l'hôpital Beaujon (AP-HP). Cela nous donnait l'impression que le seul traitement disponible, l'interféron, guérissait bien nos patients, puisque les transaminases revenaient à la normale ». En réalité, moins de 5 % des patients étaient guéris de leur infection.
Les cibles thérapeutiques mises en évidence par le réplicon de Charles Rice ont permis l'émergence de la première vague d'antiviraux : le bocéprévir en association avec l'interféron. Sont ensuite venus, en 2015, les antipolymérases puis les anti-NS5A, qui permettent désormais une éradication complète du virus en 8 à 12 semaines selon les cas.
Les dernières recommandations de la Haute Autorité santé (HAS) de prise en charge simplifiée de l'hépatite C autorisent la prescription de ces antiviraux à action directe (AAD) en médecine de ville selon un schéma simplifié pour les patients ne présentant pas de comorbidités particulières (consommation d’alcool, surpoids ou obésité, diabète, syndrome métabolique, co-infection VHB et/ou VIH).
Les médicaments préconisés (sofosbuvir/velpatasvir pendant 12 semaines ou glécaprévir/pibrentasvir pendant huit semaines) étant pangénotypiques, la recherche du génotype du VHC n'est plus nécessaire.
Un vaccin sera-t-il nécessaire ?
Ces traitements suffiront-ils à mettre fin à l'épidémie ? Le chercheur Philippe Roingeard n'y croit pas : « Je pense que les AAD ne font pas tout et il faudra un vaccin ». Le problème actuel, est que l'efficacité des nouveaux antiviraux a diminué l'intérêt des agences de financement pour la recherche fondamentale d'un virus qui reste difficile à étudier. « Depuis 2014, on note une baisse de l'intérêt des agences pour la recherche sur l'hépatite C », regrette le Pr Jean Dubuisson, responsable de l'équipe « Virologie moléculaire et cellulaire » à l'institut Pasteur de Lille.
Pour ce chercheur, ancien post-doctorant dans l'équipe de Charles Rice, bien que l'éradication du virus dépende désormais de l'accès au traitement, des questions fondamentales restent en suspens : « Ce virus interagit avec le métabolisme lipidique, mais on ne sait pas comment, explique-t-il. On ignore comment il s'y prend pour détourner le métabolisme du foie. Il y a aussi encore des travaux à faire pour comprendre comment induire au mieux une réponse immunitaire protectrice en vue de la mise au point d'un vaccin. »
Membre du comité technique de l'ANRS*, le Pr Jean-Michel Pawlotsky juge pour sa part que le problème de l'hépatite C est désormais « techniquement résolu » mais il reste « plus un problème de santé publique qu'un problème scientifique. Il faut dépister et garantir l'accès aux traitements, mais avec quels outils ? questionne-t-il. C'est ce sur quoi il faut travailler maintenant. La France aura normalement réussi à éliminer le virus en 2025 selon les critères de l'OMS, mais dans certains pays, il n'y a pas encore de plan d'élimination et de volonté de chercher les malades. »
Des questions fondamentales en suspens
Pour autant, le virologue n'écarte pas la nécessité de poursuivre la recherche fondamentale : « il faudrait continuer à travailler sur le virus de l'hépatite C comme modèle, espère-t-il. On a bien vu avec le coronavirus que l'on peut assister un jour à l'émergence d'un virus d'une même famille contre lequel toute connaissance scientifique sera bonne à prendre. »
Pour le Pr Marcellin, de nombreuses questions restent aussi en suspens, « ce virus interfère avec les métabolismes des glucides et des lipides au point d'être un facteur de risque de diabète, rappelle-t-il. Est-ce que d'autres virus peuvent le faire ? Le VHC est aussi un modèle qui peut servir à expliquer des mécanismes d'inflammation et de fibrogenèse. Il peut aussi nous apprendre beaucoup sur les séquelles neurologiques et psychologiques de certaines infections virales. Enfin, des maladies métaboliques comme la stéatose hépatique non alcoolique, la NASH, peuvent également bénéficier de ce modèle. »
* Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales
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