Maladies cardiovasculaires et infection par le SARS-CoV2

Les liaisons dangereuses

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Publié le 29/09/2020
Actualité oblige, toute une session du congrès de l'ESC a été consacrée aux liens entre le Covid-19 et les maladies cardiovasculaires, dont l’impact délétère sur l’évolution de l’infection par le SARS-CoV-2 a été largement souligné.
38 % des femmes ayant une IC ont été en réanimation ou sont décédées

38 % des femmes ayant une IC ont été en réanimation ou sont décédées
Crédit photo : Phanie

L’étude multicentrique française présentée par la Dr Orianne Weizman, du CHRU de Nancy, s’est penchée sur l’impact des comorbidités cardiovasculaires chez des femmes hospitalisées pour Covid-19. Parmi les 2 878 patients hospitalisés entre le 26 février et le 20 avril dans 24 hôpitaux français, 42 % étaient des femmes. Elles étaient significativement plus âgées que les hommes (68,3 ans versus 65,4 ans, p < 0,001), mais présentaient significativement moins de facteurs de risque et de comorbidités cardiovasculaires (diabète, tabagisme, insuffisance cardiaque ou maladie coronaire).

Un moindre risque de décès chez les femmes

Parmi elles, 22,8 % ont été transférées en réanimation ou sont décédées (critère combiné principal d’évaluation), soit significativement moins que les hommes (33,8 %), la différence étant surtout tirée par un moindre risque de transfert en réanimation (OR 0,63, IC 95 % 0,53-0,73, p < 0,001).

Le sexe féminin expose donc bien à un risque moindre de décès et de transfert en réanimation, mais la présence de comorbidités est associée à un risque d’évolution plus sévère chez les femmes comme chez les hommes. En analyse multivariée, l’âge, l’indice de masse corporelle, la présence d’une insuffisance cardiaque (IC) ou d’une insuffisance rénale chronique sont aussi des facteurs associés à un moins bon pronostic. Notamment, 38 % des femmes ayant une IC ont été hospitalisées en réanimation ou sont décédées.

Le registre de Yale

L’impact délétère des comorbidités cardiovasculaires sur l’évolution du Covid-19 est retrouvé dans les résultats préliminaires du registre prospectif de Yale, qui porte sur un total de 485 patients hospitalisés. Comme l’a souligné le Dr Manan Pareek (New Haven, Connecticut), de très nombreux patients étaient obèses ou hypertendus et près de la moitié avait des antécédents cardiovasculaires (46 %), majoritairement une IC ou une maladie coronaire. Globalement, 18 % sont décédés à l’hôpital et 39 % ont connu un événement cardiovasculaire au cours de l’hospitalisation, le plus souvent une fibrillation atriale (FA, 19 %) ou un infarctus du myocarde (17 %). Les facteurs prédictifs indépendants de décès étaient l’âge avancé, les antécédents d’arythmie ventriculaire, le recours aux inhibiteurs de P2Y12, un taux de plaquettes ou d’albumine bas ou encore une élévation de la troponine T. Les facteurs prédictifs d’événements cardiovasculaires majeurs étaient le sexe masculin, les antécédents de FA, le recours aux diurétiques, à l’oxygénothérapie, un taux bas d’albumine et un taux élevé de troponine.

Thromboses et hémorragies

Autre étude, chinoise cette fois, présentée par le Pr Yutao Guo (Péking, Chine), qui a évalué le risque d’événements thrombo-emboliques, de saignements majeurs et de décès de toutes causes sur une cohorte de 1 125 patients hospitalisés à Wuhan. Globalement, une thrombose veineuse profonde, un accident vasculaire cérébral ischémique ou une embolie pulmonaire ont été rapportés dans 7,3 % des cas. Un patient sur dix a présenté une hémorragie majeure et 8,1 % sont décédés.

Chez les sujets traités par anticoagulants, le risque de thrombose veineuse a été significativement moindre (OR 0,32 ; IC 95 % 0,14 – 0,75 ; p = 0,01), mais celui de saignement majeur a été augmenté (OR 1,56 ; IC 95 % 1,01 – 2,42 ; p = 0,04). Enfin, la présence d’une FA majorait le risque d’embolies systémiques.

La qualité des études en question

Enfin, le travail du Pr Giulio Stefanini (Milan, Italie) sur la qualité des études cliniques publiées pendant la pandémie de Covid-19 pointe encore une fois la nécessité de réaliser des essais randomisés de bonne qualité pour éviter de proposer des stratégies thérapeutiques potentiellement délétères. L’analyse comparée des articles publiés au cours des quatre premiers mois de 2020 (339) et des quatre premiers mois de 2019 (297) dans le « New England Journal of Medicine », le « Lancet » et le « Journal of the American Medical Association » montre que la proportion de publications pouvant être qualifiées de bonne qualité selon le Grading of Recommendations, Assessment, Development et Evaluations (GRADE) était respectivement de 13,7 % et 27,6 %, une différence surtout tirée par la thématique Covid-19.

D’après les communications des Prs et Drs Orianne Weizman (Nancy, France), Manan Pareek (New Haven, Connecticut, États-Unis), Yutao Guo (Péking, Chine) et Giulio Stefanini (Milan, Italie)

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin