« Pour repérer les troubles cognitifs, il faut faire confiance au patient, à ses proches et à l’intuition du médecin traitant, insiste le Pr Frédéric Blanc, neurologue au Centre mémoire de ressources et recherche (Strasbourg). Mais à l’inverse, il faut se méfier du déni ou de la mise à distance du problème ». On peut évaluer facilement l’intensité du trouble et ses conséquences fonctionnelles par la version en quatre items de l’échelle d’activités instrumentales de la vie quotidienne (AIVQ) : l’aptitude à téléphoner, utiliser un moyen de transport, gérer un traitement, son argent et ses papiers. Ceci permet de hiérarchiser entre des troubles cognitifs légers (plainte cognitive isolée sans anomalie aux tests neuropsychologiques), ou majeurs (démence) si au moins un item est anormal.
Distinguer les atteintes neurocognitives
Un bilan neuropsychologique complet est nécessaire pour distinguer le type d’atteintes cognitives, les plus fréquentes étant le syndrome hippocampique et le syndrome sous-cortico-frontal. Le syndrome hippocampique se caractérise par un trouble du stockage de la mémoire, qui n’est pas améliorée par des indices comme dans le test des cinq mots. On le retrouve dans 80 % des maladies d’Alzheimer, 100 % des scléroses hippocampiques, 60 % des maladies frontotemporales, 20 % des maladies à corps de Lewy, mais aussi dans les troubles cognitifs d’origine vasculaire ou le syndrome de Korsakoff. Il faut rechercher à l’IRM non seulement l’atrophie hippocampique, mais aussi celle des autres structures impliquées dans le circuit de Papez (intervenant dans la mémoire) : corps mamillaires, cortex cingulaire postérieur, thalamus cingulaire postérieur…
Le syndrome sous-cortico-frontal se traduit par un ralentissement cognitif, des troubles de l’attention, des fonctions exécutives (planification), mais il peut être incomplet. On peut le retrouver dans toutes les pathologies accompagnées de syndromes parkinsoniens, comme les troubles cognitifs vasculaires, mais aussi dans la dépression, les syndromes d'apnées obstructives du sommeil et les pathologies systémiques.
S’appuyer sur les examens et les signes cliniques
Au minimum, il convient de réaliser une IRM et un bilan biologique : NFS/plaquettes, ionogramme, protéine C-réactive, urée/créatinine, enzymes hépatiques, thyréostimuline (TSH), folates, éventuellement une sérologie de la syphilis, du lyme ou du VIH. Une scintigraphie cérébrale et de la ponction lombaire peuvent être envisagées.
Le diagnostic de maladie d’Alzheimer repose sur le syndrome hippocampique présent dans la majorité des cas, l’atrophie des hippocampes et des régions pariétales à l’IRM. Si la symptomatologie ou l’âge sont atypiques, le dosage des biomarqueurs Tau dans le liquide lombaire (p-Tau, t-Tau, Aß42) pourra être réalisé. Sa sensibilité et sa spécificité sont excellentes en attendant de disposer de biomarqueurs sanguins.
Le diagnostic de démence vasculaire est souvent posé. Cependant, il est associé soit à un syndrome sous-cortico-frontal de lésions confluentes et importantes de la substance blanche à l’IRM, soit à des séquelles d’accident vasculaire cérébral.
Quant à la maladie à corps de Lewy, son diagnostic est complexe, en particulier dans sa phase prodromale, avec des expressions cliniques très différentes. Elle se traduit par un syndrome sous-cortico-frontal, pouvant s’accompagner de troubles neurovisuels. Les éléments clefs reposent sur des fluctuations cognitives ou de la vigilance, des hallucinations visuelles récurrentes, des troubles du comportement en sommeil paradoxal (le patient se débat, donne des coups, sensation de rêve vécu, cauchemars), un syndrome parkinsonien discret au début (à identifier avec l’un des symptômes comme l’akinésie), la rigidité ou plus rarement le tremblement de repos. La manœuvre de Froment (test du poignet figé) doit être systématique. Essentiellement clinique, le diagnostic de maladie à corps de Lewy est possible s’il existe un de ces critères, probable s’il en existe deux (1).
(1) Blanc F et al. Prodromal stage of disease (dementia) with Lewy bodies, how to diagnose in practice ? Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2017 Jun 1;15(2):196-204.
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