« Les filières gériatriques dans la prise en charge de l'accident vasculaire cérébral (AVC), c'est l'avenir ! ». Depuis mars 2018, le Pr Didier Smadja, chef du service de neurologie de l'hôpital sud francilien de Corbeil-Essonnes, travaille en étroite collaboration avec la Dr Olga Laine, gériatre spécialisée en neurologie, à l'unité de gériatrie aiguë post-neurovasculaire, sise dans l'hôpital Les Magnolias à Ballainvilliers (établissement privé d'intérêt collectif). Autrement dit, une filière gériatrique dans la prise en charge de l'AVC, la deuxième en France ainsi formalisée, après Lyon.
Ces filières sont « indispensables », selon le Pr Smadja, en raison du vieillissement de la population. Ce dernier entraîne une multiplication des AVC chez les sujets de plus de 75 ans, et donc une augmentation de l'âge moyen des patients accueillis au sein des unités neurovasculaires (UNV). « Avant, il était de 60 ans en UNV alors que la moyenne d'âge des AVC est de 74 ans, c'est dire qu'il y avait une sélection par l'âge ! », explique le Pr Smadja. Aujourd'hui, les personnes de plus de 85 ans représentent 25 % des patients en UNV ; ils seront 30 % dans cinq ans. À condition que tombent les réticences encore prégnantes à l'égard des patients plus fragiles. « En rien, l'âge seul ne peut être un critère opposable à une prise en charge », insiste le Dr Yann l'Hermitte, urgentiste auprès de l'UNV de Corbeil-Essonnes.
C'est ce à quoi les filières gériatriques peuvent contribuer, en croisant les expertises neurologiques et gériatriques pour mieux appréhender les spécificités des AVC du sujet âgé. « Les situations sont plus complexes, en raison des comorbidités qui risquent de décompenser (en particulier dénutrition et problèmes cardiaques) et des complications plus fréquentes de l'AVC (embolie pulmonaire, thrombose veineuse, escarres, infections pulmonaires ou urinaires, infarctus du myocarde, œdème aigu du poumon, aggravation des troubles cognitifs, etc.), mais aussi de l'isolement des personnes. Sans oublier les spécificités dans l'abord des personnes âgées et la réalisation d'un bilan de l'autonomie », justifie le Pr Smadja. « Les patients peuvent très bien se rétablir sur le plan neurologique, mais se dégrader en raison des troubles gériatriques », met-il en garde.
Accueil en gériatrie après trois jours d'UNV
La constitution des filières gériatriques devrait en outre lever l'autre obstacle à la prise en charge des sujets âgés comorbides en UNV : l'insuffisance des places d'aval.
Alors que traditionnellement, les patients restent une dizaine de jours dans une UNV (trois jours de soins intensifs, puis une semaine en unité froide), les âgés de l'UNV de Corbeil-Essonnes sont orientés vers l'un des 10 lits du service post-neurovasculaire des Magnolias au sortir des trois jours de soins aigus. Ils y séjournent une semaine, bénéficiant de l'expérience de l'équipe de gériatrie formée à la neurologie vasculaire, ainsi que des visites hebdomadaires du Pr Smadja.
« Les gériatres ont une vision transversale sur les pathologies de l'âge et savent comment adapter la rééducation », souligne le Dr l'Hermitte. En 2019, quelque 220 patients, d'en moyenne 85 ans, y ont été pris en charge, issus aux trois quarts, de l'hôpital sud francilien de Corbeil-Essonnes mais aussi du Kremlin-Bicêtre ou d'Orsay. Près d'un quart rentrerait à leur domicile.
La filière gériatrique a enfin comme mérite, considère le Pr Smadja, de diffuser les bonnes pratiques. Dans la prise en charge, en confortant l'idée que toutes les thérapeutiques, notamment la thrombolyse ou la thrombectomie, peuvent s'appliquer aux plus âgés. Mais aussi en prévention, surtout secondaire, par exemple en levant « le tabou sur l'anticoagulation » en ville. « Traditionnellement, les patients âgés étaient très peu anticoagulés (avant ou après l'AVC), explique le neurologue. Or la moitié des AVC ischémiques chez les plus de 85 ans sont liés à un cardioembolisme. Nos filières où les patients sont souvent anticoagulés contribuent à limiter la récidive, et même à améliorer — via la communication à l'égard des médecins de ville — les pratiques d'anticoagulation chez les sujets âgés en amont ! ».
Le modèle fera-t-il des petits ? La généralisation des filières gériatriques au sein des unités neurovasculaires est en tout cas l'une des 12 propositions du livre blanc de la Conférence nationale sur l'AVC.
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