De multiples maladies rares digestives sont traitées par corticothérapie. C'est le cas, notamment des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI) : maladie de Crohn et rectocolite hémorragique ; des colites indéterminées (colites dont le phénotype est proche des MICI et pour lesquelles il existe des gènes de prédisposition) et des entéropathies auto-immunes. En pédiatrie, les patients traités par corticoïdes suivent, parfois, un régime pauvre en glucide et en sodium et riche en potassium. « Or, nous savons aujourd'hui qu'en dehors de certaines situations (maladies néphrologiques sévères, notamment), le fait de contraindre un enfant traité par cortisone à ne pas manger salé, ni trop sucré est une ineptie scientifique », souligne le Pr Patrick Tounian, chef du service de nutrition et gastro-entérologie pédiatriques de l'hôpital Trousseau à Paris.
Cette affirmation reste, néanmoins, empirique. En effet, dans la littérature scientifique, aucune étude ne soutient l'intérêt d'un régime sans sel chez l'enfant sous corticoïdes. Et, dans la pratique, aucune amélioration de l'état de santé de l'enfant n'a été démontrée grâce à l'éviction du sel dans l'alimentation. « Cela fait 30 ans que je prescris des corticoïdes à mes patients atteints de maladies digestives rares, et je ne perçois aucune différence, dans leur état de santé, lorsqu'ils sont sous régime sans sel », confie le Pr Tounian.
Chez l'adulte sous corticothérapie prolongée, le régime sans sel est une mesure de précaution destinée à prévenir ou à éviter l'aggravation de l'hypertension artérielle (maladie peu fréquente chez l'enfant) et des maladies cardiovasculaires (pathologies inexistantes chez l'enfant). « De même, les régimes pauvres en glucide sont utiles chez l'adulte sous corticothérapie prolongée (pour éviter les pics hyperglycémiques), mais inutiles chez l'enfant. En effet, chez celui-ci, la cortisone peut provoquer une petite intolérance passagère au glucose, sans aucune conséquence sur sa santé. Le grand problème en pédiatrie, c'est que l'on a tendance à appliquer, à tort, chez l'enfant les théories démontrées chez l'adulte », note le Pr Tounian.
Prise de poids et supplémentation
Les maladies digestives rares engendrent, par ailleurs, une perte de poids chez l'enfant. La corticothérapie au long cours, quant à elle, stimule l'appétit. « La plupart des enfants atteints de la maladie de Crohn ne sont pas en surcharge pondérale, bien au contraire. Souvent, les parents sont inquiets de leur importante perte de poids. La corticothérapie les rassure car, sous ce traitement, les enfants mangent davantage et reprennent leurs poids. Parfois, ils peuvent prendre trop de kilos mais à l'arrêt de la corticothérapie, ils perdent rapidement ce poids excessif, ce qui n'est pas toujours le cas chez l'adulte », indique le Dr Tounian. Chez l'enfant atteint d'une maladie digestive traitée sous corticothérapie, les régimes hypocaloriques ne sont donc pas indiqués. « Au contraire, il faut profiter de ce traitement pour qu'ils reprennent des réserves », ajoute le Pr Tounian.
En outre, en cas de corticothérapie prolongée, le régime riche en potassium est inutile chez l'enfant comme chez l'adulte. « Il est néanmoins nécessaire d'augmenter la supplémentation en vitamine D (une ampoule de 100 000 unités, tous les 3 mois) chez l'enfant», conclut le Pr Tounian.
D'après un entretien avec le Pr Patrick Tounian, chef du service de nutrition et gastro-entérologie pédiatriques de l'hôpital Trousseau (Paris)
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