LE Pr MICHEL KREMPF a rappelé que les stérols végétaux ou phytostérols se retrouvent dans de nombreux aliments, en particulier les huiles. L’alimentation apporte environ 300 mg/j de phytostérols alors que les effets bénéfiques sur le cholestérol ne s’observent qu’à partir de 2 g/j. À titre d’exemple, pour ingérer 1,6 g/j de phytostérols il faudrait consommer 20 avocats, 5 kg de brocolis, 100 tranches de pain complet, 1,5 kg de noix… D’où l’idée de supplémenter certains aliments, contenant déjà des phytostérols, le premier produit commercialisé ayant été la margarine Fruit d’Or pro-activ.
Un mécanisme d’action bien connu.
Ayant une structure chimique proche, les phytostérols entrent en compétition avec le cholestérol au niveau de l’absorption intestinale et, en outre, stimulent l’élimination active du cholestérol par l’intermédiaire des transporteurs inverses ABCG-5 et ABCG-8. En sachant que les métabolismes du cholestérol et des phytostérols sont très différents : alors que l’absorption moyenne du cholestérol est de 54 %, celle des principaux phytostérols (sitostérol et campesterol) oscille entre 0,5 et 1,9 %. Ainsi, les concentrations sanguines des stérols végétaux sont 200 fois plus faibles que celle du cholestérol et l’apport de 2 g/j augmente le taux sérique de 0,02 mmol/l, alors que LDL-cholestérol diminue, lui, de 0,4 à 0,5 mmol/l, ce qui correspond à un rapport de 1 à 200.
Une efficacité démontrée et reconnue.
Le Pr Michel Krempf rappelle que pas moins de 84 études portants sur 6 800 sujets ont étudié l’efficacité des phytostérols, une méta-analyse montrant une diminution du taux de LDL cholestérol de 12 %, l’effet maximal étant observé pour un apport journalier de 3 g et l’efficacité ne dépendant pas du vecteur utilisé (margarines, produits lactés).
La mise sur le marché de la première margarine enrichie en phytostérols, Fruit d’Or pro-activ, a été accordée par l’EFSA en 2000, l’autorisation étant étendue aux produits laitiers en 2004. Surtout, en octobre 2009, la Commission européenne a autorisé une allégation de réduction du risque de maladie avec les produits enrichis en phytostérols. Le libellé précisant que les stérols abaissent la cholestérolémie, l’hypercholestérolémie étant un facteur de risque reconnu de coronaropathies. Un libellé, qui, soulignent les Prs Bruckert et Krempf, traduit l’absence d’études de morbi-mortalité, poursuivent-ils, cette exigence de l’EBM (médecine fondée sur les preuves), s’avére peu applicable aux essais d’intervention nutritionnelle « car il faudrait des cohortes très importantes et suivies pendant très longtemps, ce qui expose à de sérieux problèmes méthodologiques. Il faudra donc se contenter de démonstrations sur les critères intermédiaires surtout quand ceux-ci sont des facteurs de risque majeurs, comme le taux de LDL-cholestérol. Et, à ce niveau, les phytostérols sont sûrement les plus étudiés et les plus convaincants des aliments ».
L’analyse des craintes.
Face à ce bilan d’efficacité positif, certains médias ont mis en avant des craintes sur les risques associés à l’utilisation des phytostérols. Le Pr Éric Bruckert les a analysés :
- on a mis en avant la sitostérolemie, la maladie rare s’accompagnant d’une augmentation importante des taux de phytostérols dans le sang (25 à 50 fois les valeurs normales) ; mais souligne Éric Bruckert, le risque atherogène ne s’observant que chez les sujets qui ont une augmentation parallèle et importante du LDL-cholestérol ;
- on a mis en avant des études animales montrant un effet athérogène du phytostérol. En réalité, la quasi-totalité des études montrent l’absence d’effet ou même un effet protecteur que ce soit chez le lapin, le poulet et la souris, on met en avant deux études discordantes, chez la souris, où curieusement on n’observe pas de baisse de cholestérol sous phytostérols.
- On a mis en avant des études épidémiologiques montrant une relation entre phytostérols et risque de coronaropathies. En fait, précise le Pr Bruckert, il s’agit d’études observationnelles anciennes portant sur de petites populations et, surtout, ne comportent pas d’ajustement en fonction du taux de cholestérol. Les études plus récentes, ne présentant pas ces défauts méthodologiques aboutissent à des effets inverses, protecteurs ou, au pire, neutres des taux élevés de phytostérols.
- Enfin, on a mentionné l’absence d’intervention prouvant l’effet des phytostérols sur la morbi-mortalité cardiovasculaire. E.Bruckert et M. Krempf ont déjà répondu sur ce point, ce type d’étude étant très difficile à réaliser en prévention primaire nutritionnelle. Il n’y a pas plus de preuves pour les fruits et légumes, pour les fibres, seul le remplacement des acides gras saturés par des polyinsaturés a démontré une baisse des accidents vasculaires.
Le Pr Bruckert tient aussi à dissiper d’autres craintes concernant la consommation excessive de phytostérols et/ou par des populations qui n’en ont pas besoin : toutes les études de marché montrent qu’on est, au contraire, en deçà des objectifs fixés par les recommandations. De même, des études sociologiques montrent que la consommation d’un produit actif ne détourne pas des changements globaux de comportement ; au contraire, on assiste à une agrégation des comportements de prévention.
À cela s’ajoutent des rumeurs qui ne sont pas spécifiques aux phytostérols, y a-t-il risque de contamination par des OGM ? Étant préparés à partir d’écorce de pin, le risque n’existe pas, affirme Michel Krempf. Certains évoquent les risques éventuels des colorants et conservateurs, c’est oublier que ces substances sont très étudiées et surveillées par les autorités sanitaires, répond Michel Krempf.
En définitif, l’information est une nouvelle fois la meilleure et la pire des choses, ne hiérarchisant les faits démontrés, les données trouvées, les suppositions et les rumeurs. Un constat qui dépasse largement le cas des phytostérols.
(1) Avec le soutien institutionnel d’Unilever.
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