LE Pr ÉRIC BRUCKERT a rappelé les enjeux de la prévention diététique en soulignant le risque d’événement cardiovasculaire lié à la présence, pendant toute la vie, d’un seul facteur de risque « limité » pression artérielle comprise entre 120-139 et ou 80-89 mmHg ou cholestérol total compris entre 1,8 et 1,99 g/l : on passe ainsi d’un risque de 5 % à 36 % chez les hommes et de 8 % à 27 % chez les femmes. A titre de comparaison, le risque est respectivement de 69 % et 50 % en présence de plus de 2 facteurs de risque majeurs.
Autrement dit, la prévention cardiovasculaire est payante, quand on corrige des anomalies minimes ou légères, ce qui relève justement de la diététique.
Recul de la mortalité cardiovasculaire : la prévention génère la moitié des gains.
L’autre message, sans doute pas assez médiatisé, est l’impact de la prévention sur la mortalité cardiovasculaire : entre 1980 et 2000, cette dernière a été divisée par deux chez les hommes comme chez les femmes, quand on prend soin d’ajuster les données brutes à l’âge (en effet, le vieillissement observé explique que les données brutes évoluent peu, car quand on vieillit, on meurt du cur).
À l’analyse des causes de ce reflux, on constate que dans 47 % des cas, il s’explique par le progrès des traitements aigus, ou l’action sur les facteurs de risque expliquant 53 % des progrès. C’est l’action sur le cholestérol qui a été payante (-24 %), suivie de celle sur la pression artérielle (-20 %), les progrès étant beaucoup plus faibles pour le tabagisme (-12 %) car celui-ci recule peu, et sur la sédentarité (-5 %). Enfin, la responsabilité de la surcharge pondérale (+8 %) et du diabète (+10 %) augmente.
L’intervention diététique marche.
Par ailleurs, une méta-analyse réalisée en 2003 (Law, BML), regroupant 58 essais et prés de 15 000 patients, montre l’efficacité comparable des essais d’intervention diététique et médicamenteux sur le risque cardiovasculaire : ce qui compte ce n’est pas le moyen utilisé, mais l’importance de la baisse du LDL et la durée de l’intervention thérapeutique. À titre d’exemple, la diminution du LDL est de l’ordre de 10 % en utilisant un produit enrichi avec des phytostérols.
L’intervention nutritionnelle est réalisable.
Enfin, plusieurs études, dont celle récente de DA. Wood (Lancet, juin 2008), montrent que les programmes de prévention par intervention nutritionnelle sont réalisables en médecine générale. L’étude de Wood, ayant mobilisé des diététiciens, des infirmiers mais aussi des médecins dans 9 pays européens, montre que, dans le groupe d’intervention, 44 % des patients sont à l’objectif de LDL versus 26 % en l’absence d’intervention : parallèlement 55 % des patients sont à l’objectif pour la baisse des graisses saturées (versus 40 %, p = 0,009) et 72 % pour les fruits et légumes (versus 35 %, p = 0,004).
Des données confirmées par une étude réalisée par des généralistes français et qui montre que les conseils diététiques prodigués aux patients sont bien entendus par les patients et, en partie, appliqués. Autrement dit, l’impression de « prêcher dans le désert » n’est pas fondée.
Les généralistes présents reconnaissent que leur rôle est essentiel dans le conseil diététique et ils pensent que leurs prescriptions nutritionnelles sont plus écoutées qu’on ne le pense souvent. Encore faut-il ne pas heurter d’emblée les habitudes du patient et, tout en affichant les objectifs finaux, il faut souvent transiger sur des objectifs intermédiaires. « Si on ne fait pas cela, on court souvent à l’échec, souligne le Pr Michel Krempf. Cela demande du temps et les généralistes en manquent. Mais ils ont la possibilité de revoir les patients assez souvent, ce qui est un atout essentiel dans une démarche qui n’est pas celle du tout ou rien mais plutôt celle des petits pas. En nutrition, comme en diabétologie d’ailleurs. L’important étant de comprendre que pour être entendu un message de prévention doit être adapté à chaque patient, en fonction de sa culture, de ses habitudes alimentaires, de ses croyances. »
Il reste que, dans certains cas, l’écoute est quasi-nulle et que la prise en charge n’est, de fait, que médicamenteuse. Mais il ne faut pas baisser les bras trop vite.
Si les généralistes se disent globalement mobilisés et entendus par la majorité de leurs patients, certains doutent de l’observance, dans un pays ou les tentations sont nombreuses. À cela, le Pr Éric Bruckert répond que l’observance n’est guère meilleure avec les traitements médicamenteux, de nombreux patients arrêtant leur statine après un an. Dans tous les cas c’est le suivi et le contrôle de la motivation du malade qui est essentielle.
(1) Avec le soutien institutionnel de Unilever.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024