L’école, c’est fini pour cette année. Dans les faits, la plupart des enfants n’y seront retournés que dans les quinze derniers jours à temps partiel ou pas du tout en ce qui concerne les lycées. Pourtant, tous les clignotants étaient au vert et les craintes sur le rôle contaminateur des enfants et sur la sévérité du Covid-19 dans la population pédiatrique avaient été levées, ce qui avait conduit, dès le 13 mai, les professionnels de la pédiatrie à appeler à un large retour des enfants en collectivité (1,2).
En cause, le maintien de mesures barrières très contraignantes imposées à un moment où les connaissances étaient moindres, mais aussi des positions divergentes des Ministères avec d’un côté le Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et le secrétariat d’État à la protection de l’enfance convaincu que les enfants doivent reprendre le chemin de l’école et des vacances en collectivité et, d’un autre côté, le ministère des Solidarités et de la Santé, qui reste très prudent, voire frileux, redoutant une possible « seconde vague ».
Au milieu, les parents, pris en otage et ne sachant pas sur quel pied danser et les enseignants et les professionnels de l’enfance qui, pour certains, sont inquiets face à des positions paraissant contradictoires. « Ce serait le comble que les enfants qui ne sont pas concernés par la maladie fassent les frais de cette épidémie », souligne la Pr Christèle Gras-Le Guen, secrétaire générale de la Société française de pédiatrie, et cheffe du service de pédiatrie et des urgences pédiatriques du CHU de Nantes, avant de rappeler que les enfants sont de véritables « éponges » émotionnelles. Le stress des parents inquiets ou épuisés par des semaines de double vie, cumulant télétravail et gestion des enfants, a retenti sur les plus petits. Par ailleurs, si l’absence de vie en collectivité, d’interactions sociales avec des personnes autres que le cercle familial proche ne pose a priori pas de problème sur une courte durée, il n’en est pas de même à plus long terme. Cela est particulièrement préjudiciable pour les enfants qui n’ont pas la chance de vivre dans un milieu choyant, pour lesquels cet éloignement de l’école peut encore renforcer les inégalités.
Aucun argument scientifique rationnel
« Il n’y a aujourd’hui pas d’arguments scientifiques rationnels pour maintenir des mesures draconiennes qui, lorsqu’elles sont interprétées avec excès, se sont parfois apparentées à de la maltraitance institutionnelle, souligne la Pr Gras-Le Guen. Il faut désormais aménager les modalités de la reprise de l’école, de la vie en collectivité cet été et de la prochaine rentrée des classes à la lumière de l’évolution épidémiologique virale, des connaissances accumulées durant ces derniers mois et aussi du bon sens et de notre responsabilité d’adultes. Si l’obtention d’un consensus dans la communauté médicale est souvent difficile, sa réalité est ici à souligner ! ». Il atteste de la volonté de tous les acteurs de la santé de l’enfant, pour leur permettre de retrouver enseignements, jeux et interactions sociales, essentiels à leur développement, leur bien-être et qui constituent les meilleures armes contre les inégalités sociales qui se sont immanquablement creusées à l’occasion de cette interruption historique de la scolarisation.
De bonnes habitudes à garder
Pour autant, certaines mesures barrière pourraient être maintenues à plus long terme, car elles sont susceptibles d’avoir un effet positif sur d’autres pathologies infectieuses, comme la grippe, les gastro-entérites, la varicelle ou encore la rougeole, en réduisant la transmission des agents pathogènes en cause. C’est le cas du lavage régulier des mains, qui pourrait être plus largement adopté et qui doit absolument être facilité en milieu scolaire par des aménagements pérennes des sanitaires.
Autre bonne habitude à garder, celle d’un recours raisonné aux soins et en particulier aux services d’urgence pédiatrique, régulièrement surchargés d’enfants ne relevant que d’une simple consultation. « Il n’est pas envisageable qu’à la rentrée de septembre, tous les enfants ne puissent pas retourner à l’école et reprendre une vie d’enfant », martèle la Pr Gras-Le Guen.
Il faut donc faire acte de pédagogie, communiquer et rassurer les enfants, qui ont traversé une période emplie de signaux négatifs, mais aussi leurs parents et leurs enseignants.
Exergue : Il n’est pas envisageable qu’à la rentrée de septembre, tous les enfants ne puissent pas retourner à l’école et reprendre une vie d’enfant
Entretien avec la Pr Christèle Gras-Le Guen, CHU de Nantes (1) Le Quotidien, 13 mai 2020. Covid-19 : 20 présidents de sociétés savantes de pédiatrie réclament le retour des enfants à l'écolehttps://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/sante-publique/covi… (2) Société française de pédiatrie (SFP), Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA), Société française de médecine générale (SFMG), Groupe de pédiatrie générale (GPG), Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), Société Française de Pédiatrie Médico-Légale (SFPML). Lettre aux parents et aux professionnels de l’enfance, 27 mai 2020
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