C'est le paradoxe de la discipline. Après l’internat en psychiatrie le champ des possibles est plus large qu'ailleurs. Mais la pénurie affecte la plupart des secteurs.
La psychiatrie regorge en effet de choix de carrières, souvent méconnus des externes. La présidente de l’Association Française Fédérative des Étudiants en Psychiatrie (AFFEP), Audrey Fontaine, confirme les vastes possibilités professionnelles dans sa spécialité. Mais elle observe : « La plupart restent à l’hôpital après l’internat : c’est rassurant, car nous manquons de formation pour s’installer directement en libéral », souligne-t-elle. De fait, selon la dernière enquête de l’AFFEP publiée en 2012 sur les souhaits de carrières des internes, 76 % d'entre eux envisageaient un post-internat, 24 % un poste de praticien hospitalier contractuel, 8 % se voyaient faire une thèse de sciences et 5 % seulement s’installer en libéral.
En institution, les psychiatres peuvent travailler en secteur ouvert ou fermé, en unité hospitalière ou en centre médico-psychologique. Sans oublier la recherche : « Il y a un vrai dynamisme en recherche en psychiatrie, avec énormément de pistes à découvrir - et pas seulement en neurosciences », soutient Audrey Fontaine. Pour sa part, cette dernière voudrait s’orienter vers la psychiatrie de liaison. Une niche qui permet de faire la médiation entre les autres secteurs hospitaliers lors de la prise en charge d’un patient atteint de troubles psychiques ou de rencontrer une première fois des patients d’autres services qui auraient besoin de soutien psychiatrique.
Les structures médico-sociales sont aussi demandeuses, qu'il s'agisse des instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (ITEP), des instituts médico-éducatifs (IME), des maisons d’accueil spécialisées (MAS) ou des Ehpad. Les consultations s'y réalisent souvent en temps partiel. Comme souvent aussi pour l'expertise médico-légale. Dans ce cadre, les psychiatres peuvent répondre aux besoins de tribunaux, de services pénitenciers ou d’unités pour malades difficiles.
Sous-effectifs, à l'hôpital comme en ville
Mais la carrière d'un psychiatre ne se limite pas à ces institutions : certes, de 5 à 10 ans après l’internat, les répondants de l’enquête de l’AFFEP se projetaient à 96 % dans une activité clinique - dont plus de la moitié en psychiatrie adulte et 16 % en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Parmi ces internes, 20 % souhaitaient aussi avoir une activité de recherche et 28 % une activité d’expertise médico-légale. « Nous ne sommes pas obligés de choisir, il y a des options hybrides », observe Audrey Fontaine.
Pour Emmanuel Loeb, qui termine son post-internat à Paris et a fondé le syndicat Jeunes Médecins, cette hybridité n’est pas signe de liberté de choix mais plutôt de contrainte financière. « La psychiatrie laisse un peu plus de temps que d’autres spécialités. Il faut en profiter pour lever la tête et regarder le champ des possibles », conseille-t-il. Pour sa part, après sa thèse sur les bio-marqueurs de la dépression, il travaillera l’an prochain à l’hôpital Cochin et suivra en parallèle un MBA en management au Collège des ingénieurs.
Pléthore d'opportunités ? Les statistiques sont moins optimistes. Selon le Centre National de Gestion (CNG), au printemps 2019, 229 psychiatres manquaient à l’appel, dont 170 postes de praticiens hospitaliers temps plein. Le président du Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux (SPH), le Dr Marc Betremieux, s’inquiète des besoins criants, notamment en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. En 2018, selon l’Ordre des médecins, la France compte 538 pédopsychiatres, âgés en moyenne de 62 ans. « Dans mon hôpital, à Hénin-Beaumont, nous avions un moment huit postes non pourvus. Il y a un problème de démographie de la profession et de l’attractivité du territoire. Nous devons revoir notre organisation pour bien accueillir les internes et les faire venir par la suite. Cela demande des moyens que tous les hôpitaux n’ont pas. » Il rappelle pourtant la prime de 10 000 € à la prise de fonction et la prime régionale d’en moyenne 20 000 €.
Comme en écho, son confrère, le Dr Thierry Delcourt, vice-président du Syndicat National des Psychiatres Privés (SNPP), pointe l’urgence de la situation en pédopsychiatrie libérale et un besoin de revalorisation du prix de la consultation. Mais pour le reste, il positive : « L’exercice libéral permet d’avoir un lien privilégié avec le patient et de s’alléger des nombreuses obligations administratives hospitalières. Nous attendons les futurs psychiatres avec impatience. »
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