L’apprentissage de la sexualité est un processus complexe qui fait intervenir différentes sphères de socialisation : la famille, l’école, les groupes de pairs, la science et la médecine, la loi, les religions et les médias. L’individu doit composer avec toutes ces sphères pour construire sa sexualité.
On peut aujourd’hui considérer que la pornographie fait également partie de ces sphères, notamment de la sphère médiatique. Les récentes enquêtes montent que la quasi-totalité des adolescents a, dès 14 ans, vu au moins une fois du matériel pornographique. Outre l’excitation que le visionnage d’images pornographiques procure, certains adolescents peuvent percevoir ce média comme une source d’inspiration ou d’apprentissage. Peut-on dire alors qu’elle a une fonction socio-éducative ? Et si oui, quels contenus et comment ?
Des corps performants et toujours le stéréotype dominant/dominé
Pour les ados, le passage de la réalité à la fiction n’est pas évident. Ils savent que dans les films porno le scénario est fictif (même s’ils peuvent espérer que ce soit vrai) mais les corps sont réels et leurs activités également. Ils comprennent qu’il existe des subterfuges de certaines images. Les corps sont imberbes et performants, la poitrine et les fesses des femmes sont rebondies, leurs lèvres sont botoxées, les muscles et le pénis des hommes impressionnants. Il est rare de voir un corps dans son ensemble. Ils ont beau voir un clitoris en gros plan, la majorité des adolescents ne sait pas à quoi il sert. La fonction éducative sur la sphère biologique est donc un peu limitée. Dans un film pornographique, tous les indicateurs de plaisir sont exacerbés. La protection par préservatif est quasi inexistante dans les films internet (sauf sur Canal +).
Sujet ou objet
La fonction de la sexualité est la découverte de l’autre. Pour que la rencontre ait lieu, il faut que l’autre soit considéré comme un sujet. Or, un scénario pornographique est la rencontre de deux objets. On utilise l’autre comme on l’entend. C’est une mécanique des corps. Notons qu’on voit rarement le visage de l’homme. Les préliminaires n’existent pas ou très peu. Tout ça n’enrichit donc pas vraiment la sphère psychoaffective. On peut donc poser l’hypothèse que si un adolescent n’arrive plus à intégrer ce qui est de l’ordre du fantasme ou de la réalité, il peut y avoir passage à l’acte violent. Tout ceci est bien différent de l’érotisme (lire page 13). Aujourd’hui, les ados considèrent comme érotique les films romantiques tout publics.
En ce qui concerne le champ social, on a pu penser dans les années soixante-dix que les films pornographiques faisaient tomber les tabous. À noter qu’à cette époque, les spectateurs étaient déjà des hommes. Les scénarios étaient certes un peu plus élaborés qu’aujourd’hui mais les rapports dominant/dominé étaient déjà bien présents. La plupart des films aujourd’hui sont encore réalisés par des hommes pour des hommes. Ce qui explique que les jeunes garçons y soient plus sensibles que les filles qui, dans leur majorité, témoignent du dégoût. Pour les garçons, regarder un porno est banal, c’est un loisir, une récréation, c’est devenu une activité sociale.
Les ados ont besoin de s’affirmer en tant qu’hommes ou en tant que femmes et la pornographie propose des stéréotypes. On retrouve des stéréotypes de femmes toujours prêtes à recevoir le mâle et des hommes avec des rôles hiérarchiques supérieurs à ceux de la femme. Les postures de soumission sont généralement incarnées par les femmes.
On ne sait toujours pas aujourd’hui quelles conséquences tout ceci peut avoir sur les adolescents.
Il faut donc, pour les éducateurs, éviter les discours moralisateurs mais laisser des espaces de parole afin que les jeunes puissent en parler le plus librement possible. Il faut réaliser des analyses approfondies des contenus que la pornographie propose.
La pornographie est un objet de consommation, il faut donc aussi s’interroger sur la manière de la consommer.
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