En France, les déficits nutritionnels chez l’enfant sont restreints à trois types : fer, vitamine D et DHA, un oméga 3 essentiel au développement cérébral et rétinien. Ceux-ci sont objectivés respectivement par le dosage de la ferritine, de la 25-hydroxy-vitamine D et les enquêtes de consommation. Mais une question résume toute la difficulté de l’estimation du risque nutritionnel : a-t-on affaire à une carence ou à un déficit ?
Des anomalies biologiques
« Le déficit est une anomalie biologique et il est parfois bien difficile d’en connaître la réelle signification pour la santé de l’individu, reconnaît le Pr Dominique Turck (hôpital Jeanne-de-Flandre, Lille). La carence sous-entend qu’il y a un effet délétère, soit par le biais de l’anémie ferriprive, soit par le biais d’une minéralisation osseuse insuffisante voire du rachitisme pour la vitamine D; »
Dans le cas du fer, un taux de ferritine en dessous de la normale témoigne d’un déficit alors que pour qu’il y ait carence il faut à la fois des taux de ferritine et d’Hb en-deçà de la normale. L’enfant doit se situer au-dessus d’un taux de ferritine de 12 ng/mL (bien moins que l’adulte avec 20 ng/mL). Entre 6 mois et 6 ans, le taux d’Hb doit être supérieur à 11 g/100 mL (110 g/L).
Concernant la vitamine D, enfant ou adulte, la norme de 25-hydroxy-vitamine D utilisée par de nombreux laboratoires d’analyses médicales est 30 ng/mL. Or les effets délétères sur la minéralisation osseuse ne s’observent qu’en dessous de 20 ng/mL. C’est pourquoi, « la norme chez l’enfant est d’atteindre au moins 20 ng/mL (ou
50 nmol/L) », estime le Pr Turck.
La réalisation d’un dosage en 25 (OH) D est réservée aux enfants souffrant de pathologies chroniques pouvant interférer avec l’apport en vitamine D (reclus avec absence de soleil, malabsorption, cholestase, insuffisance pancréatique). Entre l’âge de 5 et 10 ans, plus que des signes cliniques, ce serait plutôt un mode de vie particulier qui pourrait alerter à propos d’un déficit (consommation nulle de produits laitiers, faible exposition à l’ensoleillement).
Pour la DHA, plutôt que d’utiliser des dosages sanguins sophistiqués et coûteux, les professionnels s’appuient sur des enquêtes de consommation avec un risque dès lors que l’enfant est à moins de 75% des Apport Nutritionnels Conseillés (70 mg de 6 mois à 3 ans, 125 mg de 3 à 9 ans et 250 mg de 9 à 18 ans). Une fois identifié, un déficit nutritionnel est-il préoccupant ? C’est toute la question des normes.
Déficit en fer : la clinique prime
Concernant le fer, s'il ne faut pas attendre le stade de l’anémie pour agir « trop d’enfants ont des supplémentations orales en fer contraignantes et mal supportées sur trois-quatre mois. La prescription doit s’appuyer sur un rationnel, c’est-à-dire des symptômes compatibles avec la responsabilité éventuelle du déficit. Lors d’un bilan chez un enfant qui ne se plaint de rien (pas d’asthénie ni de troubles de l’appétit) et sans répercussion sur la croissance, la découverte fortuite d’un léger déficit en ferritine, par exemple 9 ou 10 ng/mL au lieu de 12 n’implique pas nécessairement une supplémentation ». Dans ce cas, la clinique alerte et doit primer.
La donne est différente pour les déficits en vitamine D où se fier aux signes cliniques c’est arriver trop tard, au stade de rachitisme. « C’est pourquoi tout enfant en dessous des normes de 25(OH)vitamine D doit être supplémenté », rappelle le Pr Turck. La supplémentation est d’ailleurs systématique et quotidienne jusqu’à l’âge de 18 mois, puis en automne/hiver jusqu’à l’âge de 5 ans et après 10 ans (deux doses de charge, l’une en novembre, l’autre en février).
Pour les risques de déficits en DHA, comme pour la vitamine D, les signes cliniques apparaissent beaucoup trop tardivement. La seule recommandation est de s’assurer d’une consommation suffisante en aliments riches en DHA (deux portions de poisson hebdomadaires).
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