Une grande proportion de BPCO est découverte après l'âge de 65 ans, sans que l'on puisse réellement déterminer l’ancienneté de leur évolution. Tout au plus sait-on que la prévalence de la BPCO, estimée à 7,5 % en population générale pourrait atteindre 15 % après 65 ans.
Les pièges du diagnostic
Ces incertitudes sont largement liées au sous-diagnostic qui caractérise la BPCO, indépendamment de l'âge des patients. Mais chez le sujet âgé, quatre éléments viennent accentuer les difficultés diagnostiques. Le premier tient à la définition de la BPCO elle-même. En effet, la valeur seuil du rapport VEMS/CV qui définit l'obstruction bronchique lors des EFR, fixée à 0,7, surestime la prévalence de la BPCO après 65 ans. « La valeur du VEMS/CV diminue avec l'âge, explique le Pr Nicolas Roche. De près de 0,8 chez le sujet jeune, elle passe à 0,6 environ lorsque le patient est très âgé. Une valeur égale à 0,65 à l'âge de 80 ans peut donc faire conclure à tort à l'existence d'un trouble obstructif. » Deuxième élément, la présence de comorbidités, qui complique la démarche diagnostique. Par exemple, une dyspnée peut tout aussi bien être d'origine cardiaque que respiratoire, aggravée par le déconditionnement physique et la dénutrition. « Troisième difficulté, celle qu’éprouvent certains sujets très âgés/fragiles pour réaliser des EFR. La patience a toutefois souvent raison de ces difficultés… » Le quatrième écueil est lié à la coexistence éventuelle d'un asthme vieilli avec la BPCO et au problème du diagnostic différentiel.
Asthme ou BPCO ?
La BPCO sévère, tout comme l'asthme non contrôlé par corticothérapie inhalée, relève du traitement inhalé associant bêta2-agonistes de longue durée d'action et corticoïdes inhalés. « Mais dès que l'espérance de vie du patient est assez longue, le risque d'ostéoporose fracturaire lié à la prise au long cours d'un corticoïde inhalé doit être pris en compte. Autant le bénéfice d'un tel traitement ne se discute pas chez l'asthmatique, autant cette prescription n'est pas justifiée en cas de BPCO légère à modérée, sauf réelle composante asthmatique associée. Il est donc indispensable de diagnostiquer ce qui revient à l'asthme et ce qui est en rapport avec la BPCO. » En pratique, outre les données spirométriques, les données cliniques sont importantes à considérer : dans l'asthme, le sujet n'est pas systématiquement fumeur, les symptômes apparaissent souvent avant 35 ans, la toux productive chronique est rare, la dyspnée variable, les signes nocturnes fréquents, de même que la variabilité des symptômes au cours de la journée ou selon les jours ; dans la BPCO au contraire, ces critères se déclinent « en miroir » : sujet presque toujours fumeur, symptômes rares avant 35 ans… Lorsque l'obstruction bronchique de l'asthme est fixée, donc irréversible, la distinction entre asthme et BPCO n'est plus possible.
Côté traitement, les médicaments de la BPCO sont a priori aussi efficaces chez le sujet âgé que chez l'adulte jeune et les principes thérapeutiques sont les mêmes. « Le problème est plutôt celui de la difficulté de maniement des médicaments inhalés qui est majorée avec le vieillissement, précise le Pr Roche. L'éducation du patient doit être très attentive et il ne faut pas hésiter à tester plusieurs dispositifs. Si aucun ne convient, on peut recourir à une chambre d'inhalation, aux nébulisations, ou encore, en dernière intention, aux bêta-2 mimétiques oraux (voire à la théophylline), pourtant moins efficaces et moins bien tolérés chez eux que les produits inhalés. »
Au plan cardiovasculaire, les bêta2-agonistes de longue durée d'action aux doses recommandées sont généralement bien tolérés, sauf en cas de pathologie cardiovasculaire instable.
S'agissant des anticholinergiques, attention au risque de rétention aiguë d'urine en cas de fortes doses chez un patient porteur de pathologie prostatique. La sécheresse buccale peut poser problème avec les appareils dentaires. « Ces inconvénients sont dose-dépendants et lorsqu'un renforcement du traitement est nécessaire (exacerbation), il faut prendre garde aux fortes doses d'anticholinergiques délivrées si l'on associe au traitement inhalé habituel un anticholinergique en nébulisation. »
Les corticoïdes inhalés, quant à eux, «peuvent favoriser l'installation d'une ostéopénie/ostéoporose et bien qu'ils soient moins délétères que les corticoïdes oraux, il faut penser à lister les autres facteurs de risque d'ostéoporose et, si nécessaire, surveiller la densité osseuse ».
Traiter en intégrant les comorbidités
à côté de ces traitements spécifiques, une attention particulière doit être portée à la prise en charge des comorbidités. Les principales comorbidités pesant sur la prise en charge de la BPCO du patient âgé sont les maladies cardiovasculaires, la dénutrition/ sarcopénie, l'ostéoporose et la dépression. En ce qui concerne la dénutrition, il est très difficile en pratique d'augmenter significativement les apports alimentaires chez des patients dyspnéiques, sans appétit et déconditionnés au plan musculaire. « Mais si l'on parvient à relancer un minimum d'activité physique, on peut espérer faire entrer le sujet dans un cercle vertueux selon lequel l'exercice physique, en augmentant l'appétit, favorise la reprise de poids ou tout au moins, le stabilise. La réhabilitation respiratoire est bénéfique jusqu'à un âge très avancé, à condition que le patient soit motivé et après avoir fixé avec lui des objectifs raisonnables. »
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