Abyssal. Parfois galvaudé, l’adjectif s’applique cette fois sans contestation au déficit du régime général de la Sécu qui atteindra, selon les nouvelles prévisions officielles, 20,1 milliards d’euros cette année dont 9,4 milliards d’euros pour la seule branche maladie. Ce « trou » constitue un record absolu et représente presque le double du déséquilibre prévisionnel qui avait été voté, dans un élan d’optimisme que certains qualifieront d’aveuglement, dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale (10,5 milliards…).
Sans surprise, la dégradation financière s’explique directement par l’impact de la crise économique que le gouvernement évalue à « 10 milliards d’euros ». La très forte réduction attendue de la masse salariale (-1,25 % au lieu des 2,75 % espérés) provoque ainsi un effondrement « brutal » des recettes assises sur les cotisations sociales (8 milliards d’euros de manque à gagner), a expliqué Éric Woerth. Le ministre du Budget et des Comptes publics a parlé à ce sujet de déficit « conjoncturel » sans nier la gravité de la situation. « Cela signifie que, sur l’année, près d’un mois de dépenses de santé et un mois de pensions de retraite ne sont pas financées par des recettes courantes ! », a-t-il souligné.
Arrêts de travail : 1 000 lettres d’avertissement.
Dans ce contexte de déficit « de crise », où la Sécurité sociale joue un rôle d’« amortisseur social », le gouvernement reste fidèle à sa ligne de conduite : pas question à ce jour d’augmenter les prélèvements obligatoires qui fragiliseraient encore davantage le retour de la croissance. « En pleine tempête, je ne veux pas augmenter la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) ou transférer la dette à l’État ce qui serait une solution de facilité », a précisé Éric Woerth. Pour garantir le financement des prestations, le plafond de trésorerie de la « banque » de la Sécu (ACOSS) qui était déjà de 19 milliards d’euros sera augmenté de près de 10 milliards avant octobre et sans doute bien davantage en 2010.
Faute de mobiliser le levier des recettes, le gouvernement concentre tous ses efforts sur la maîtrise de la dépense. L’objectif est de tenir absolument l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) 2009, fixé à 3,3 %, dont le comité d’alerte vient de pointer le risque de dépassement de 400 millions d’euros. Pour y parvenir, le gouvernement entend « stopper la dérive » des indemnités journalières et des frais de transports sanitaires, deux postes de dépenses en forte augmentation - +6,7 % et +7,4 % - sur les quatre premiers mois de 2009.
S’agissant des IJ, et alors que 13 % des arrêts de courte durée s’avèrent injustifiés, Bercy demande à la CNAM de renforcer immédiatement sa politique de contrôle. La caisse adressera 1 000 lettres d’avertissements aux gros prescripteurs d’arrêts de travail (plus du double de la moyenne régionale) et elle mettra sous accord préalable 150 médecins supplémentaires en 2009. Le gouvernement entend également généraliser l’expérimentation de la contre-visite de l’employeur qui existe dans une dizaine de départements. Toujours sur ce poste sensible des IJ, Roselyne Bachelot demande la diffusion aux médecins « le plus rapidement possible » des référentiels portant sur les pathologies les plus fréquemment observées dans les arrêts de travail (lombalgies, suites d’interventions chirurgicales…). Pour la ministre de la Santé, certains écarts entre assurés, entre départements et entre entreprises ne sont pas justifiés médicalement. Elle souhaite également renforcer la prévention dans le cadre de la médecine du travail.
Dans le domaine des transports, deuxième poste dans la ligne de mire, la CNAM devrait également intensifier ses contrôles des gros prescripteurs : 100 médecins supplémentaires seront mis sous accord préalable et les 200 hôpitaux qui délivrent le plus de transports seront mis sous surveillance. Des actions de sensibilisation seront lancées auprès des médecins hospitaliers. « Il y a des gens qui utilisent les transports sanitaires et qui prennent ensuite leur voiture pour faire leurs courses. La crise n’excuse pas tout… », a ironisé Éric Woerth.
De nouvelles baisses de tarifs ?
De façon plus générale, Roselyne Bachelot ne se satisfait pas des résultats de la maîtrise médicalisée et du taux de réalisation de 60 % des objectifs. « Je ne me contenterai pas d’un tel taux. Nous devons faire mieux, beaucoup mieux ». Elle attend beaucoup des référentiels médico-économiques de la Haute Autorité de Santé sur les séances de massokinésithérapie et de la recommandation sur le bon usage des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). Le champ d’application du mécanisme de mise sous entente préalable devrait être élargi.
Le gouvernement ira-t-il plus loin ? Devant la commission des comptes, Roselyne Bachelot n’a pas exclu des « ajustements indispensables » de tarifs médicaux dans certaines spécialités « ayant réalisé des gains d’efficience » ou encore la réduction de certains prix de médicaments. Mais il est trop tôt pour en dire plus ; la préparation du PLFSS 2010, qui pourrait contenir de telles mesures, nécessitera des « concertations menées en juillet » notamment avec les médecins et les partenaires sociaux. La CSMF, déjà, a mis en garde contre un nouveau « plan comptable » sur les soins de ville.
En tout cas, après 2007, puis 2012, le gouvernement ne fixe plus aucune date précise pour le retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale. Une autre précaution imposée par la crise…
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes