L'Académie de médecine a profité de sa séance annuelle hors les murs, à Lille du 4 au 6 juin 2018, pour réclamer avec force des mesures à la hauteur de l'état de santé de la population des Hauts-de-France, mauvais dans bien des domaines.
L'un des « régionaux » de cette étape, le Pr Gérard Dubois, chef du service de santé publique à l’hôpital d’Amiens et membre de l'académie, s'est vivement indigné de la situation que connaît la région nordiste. Plus de 30 ans après avoir fait ses études à la faculté de Lille, son constat est sans appel : « J'ai été choqué de voir que c'est pire aujourd'hui que ce que j'avais en mémoire, a-t-il confié. Le décalage d'espérance de vie des hommes et des femmes [des Hauts-de-France, NDLR], est celui de la France en 2003… Il y a 15 ans de retard ! Et cet écart ne se réduit pas, il augmente même pour les hommes. On n'est pas du tout sur la bonne route ! »
« Les inégalités de santé demandent des réponses inégalitaires »
Selon lui, il ne suffit pas de pointer un soi-disant mode de vie particulier… et de détourner le regard. « Ne pas prendre de mesures serait impardonnable », estime-t-il. Avant d'ajouter : « Les Hauts-de-France doivent être une zone d'investissement intense, non pas seulement de l'état, de l'ARS, de la région, mais aussi du domaine privé, principalement local. » Des partenaires qu'il imagine réunis dans une « task force santé pour les Hauts-de-France » qui se « retrousseraient les manches » une bonne fois pour toutes.
La situation est connue de tous : sur la plupart des cartes des indicateurs de santé, une seule couleur est attribuée aux Hauts-de-France, celle les plus mauvais chiffres, a rappelé le médecin. Impossible de l'ignorer mais certains au niveau national, « n'exercent pas leurs responsabilités » en n'investissant pas où il y a des retards. Aussi, ajoute Gérard Dubois, « j'ai du mal à comprendre l'ARS ». La CRSA aurait dû, estime-t-il, réclamer haut et fort des mesures à la hauteur des problèmes. « Si on ne bouge pas, cela continuera comme ça. Or les habitants des Hauts-de-France ne sont pas destinés à mourir plus tôt » que les autres, s'est-il insurgé. Avant d'affirmer : « Les inégalités demandent des réponses inégalitaires. »
Impardonnable
La prévention devrait constituer dans cette région une priorité majeure, ont souligné plusieurs membres de l'académie. Mais le Pr Dubois a pointé le fait que les Hauts-de-France soient la région la moins dotée de France en professionnels qualifiés, moitié moins que l'avant-dernier du classement, alors qu'elle en a énormément besoin. L'offre médicale de premier recours est également insuffisante : la densité médicale des Hauts-de-France est bien inférieure à la moyenne en France, a remarqué le Pr Philippe Amouyel, chef du service de santé publique du CHRU de Lille.
Force est de constater que les étudiants qui viennent à la faculté de médecine de Lille, la plus « grosse » de France et attractive en termes de qualité, s'installent finalement peu dans la région. Comment s'en étonner quand, dans les zones rurales, « on ferme la poste, les écoles, les magasins ? », a poursuivi le médecin lillois. Alors que la démographie médicale et les attentes professionnelles des jeunes diplômés ne font pas entrevoir d'embellie de sitôt, l'extension de l'internet à haut débit et la résorption des « zones blanches » pourraient selon lui atténuer les effets de cette sous-dotation médicale. Mais la télémédecine ne réglera pas les problèmes de santé des habitants des Hauts-de-France.
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