« Avez-vous des symptômes ? Vous vivez seul ? Vous portiez un masque ? La seconde personne portait-elle un masque ? Étiez-vous à plus d'un mètre ? ». En ce lundi matin de la deuxième semaine de déconfinement, Karine, habituellement déléguée de la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de la Somme, assume sa nouvelle mission de contact tracer dans la bataille contre le coronavirus.
Depuis le 13 mai, elle est membre de l'équipe d'« enquêteurs sanitaires » (terme préféré à celui de brigades), qui s'emploient à identifier et à faire tester les personnes contacts d'un patient Covid+, susceptibles d'être également contaminées et de propager le virus. En appui des généralistes en première ligne, ces personnels sont devenus un maillon essentiel de la stratégie « protéger, tester, isoler » qui accompagne le déconfinement.
Médecins, infirmiers et agents administratifs
La Sécu peut mobiliser jusqu'à 6 500 collaborateurs en France. Dans la Somme, 50 salariés de la CPAM — médecins, infirmiers conseils ou encore administratifs comme des conseillers PRADO ou délégués de l'assurance-maladie — se sont portés volontaires pour ces recherches d'un nouveau genre.
Après trois jours de formation, ils ont été installés dans les locaux du centre de prévention et d'examens de santé (CPES) d'Amiens. Ils travaillent 7 jours sur 7 de 8h à 19h et bénéficient d'une majoration pour travail le week-end. À l’intérieur du bâtiment, tout a été réaménagé pour respecter les gestes barrières. Répartis sur trois étages, les enquêteurs travaillent à un mètre les uns des autres et portent le masque. Un marquage au sol précise le sens de circulation et des flacons de gel hydroalcoolique trônent sur les bureaux.
Patient zéro
Karine travaille sur un îlot avec deux autres enquêteurs. Les ordinateurs sont ouverts sur le désormais célèbre téléservice « Contact Covid ». Cette application partagée entre l'assurance-maladie, les médecins, laboratoires, pharmaciens et ARS est au cœur du circuit de contact tracing des patients Covid-19. L'enjeu est le recensement rapide de l’ensemble des personnes avec qui ils ont été en contact rapproché au cours des jours précédant l’apparition des symptômes afin qu’elles soient immédiatement invitées à se faire tester et qu’elles observent une période d’isolement.
« Lorsque le médecin a une suspicion Covid-19 chez un patient, il lui propose de se faire dépister, puis le notifie dans l'application. C'est le niveau 1 », explique Karine. Les 560 praticiens libéraux de la Somme dont 474 généralistes ont été sensibilisés au logiciel par téléphone ou ont reçu une note explicative.
Si le test s'avère positif, le malade est baptisé « Patient zéro » et sa fiche est validée dans le téléservice. A minima, il est demandé au médecin de recenser les personnes partageant le même domicile. L'équipe de la CPAM prend alors le relais (niveau 2). « Parfois, on a zéro contact renseigné. On établit avec le patient la liste des personnes qu'il a croisées et qui ont un risque de contamination, détaille Karine. Si le patient zéro a des symptômes, on analyse ses contacts jusqu'à 48h avant les premiers signes. En revanche, s'il est asymptomatique, on remonte jusqu'à 7 jours. On lui demande par exemple s'il portait un masque, etc. Il y a une procédure à suivre pour ne pas oublier de question. »
Les cas potentiels de contamination se retrouvent très souvent auprès de la famille, des amis et des collègues. « Des personnes croisées dans l’espace public de manière fugace ne sont pas considérées comme des contacts à risque », précise Karine.
24 heures pour une liste
S'il s'avère qu'un cas contact a fréquenté un EHPAD ou un établissement médico-social, ou qu'il y a un risque de reconstitution de cluster, le dispositif passe entre les mains des ARS. « Nous les prévenons et elle déploie son équipe mobile sur place », précise Éric Lachat, responsable de l'équipe Contact Covid. Les plateformes de l'assurance-maladie assurent ainsi l’interface avec le troisième étage du dispositif pour les situations complexes (cas confirmés dans certaines collectivités, cas groupés).
Il s'agit d'une course contre la montre : les enquêteurs sanitaires se donnent 24h pour remonter les personnes contacts, y compris en consultant les bases de données de l'assurance-maladie pour retrouver des coordonnées. Les cas susceptibles d'être infectés (informés du patient zéro s'il a donné son consentement) sont invités se faire dépister, à récupérer des masques et à s'isoler.
Relation de confiance
En complément de l'outil Contact Covid, le système d’information de dépistage (SI-DEP) réunit les résultats des tests RT-PCR en 48h environ. « Si un cas contact s'avère positif, il devient un patient zéro et une nouvelle procédure commence pour rechercher ses cas contacts », reprend Karine.
Les équipes sanitaires sont chargées de conseils sur l'isolement, le port du masque, les gestes barrières ou le nettoyage de la maison. Une fiche pédagogique détaillée est adressée au patient zéro et à ses cas contacts. Des dispositifs d'aide sociale ou au relogement sont possibles. « On veut instaurer une relation de confiance, c'est une mission valorisante et utile », souligne Karine. Deux praticiens de la caisse sont joignables en cas de demande médicale.
La première semaine de déconfinement a été très calme : seuls 24 patients zéro avaient été identifiés pour lancer une recherche et 49 cas contacts repérés — une poignée d'entre eux ayant contracté le Covid. « À la sortie du confinement, une personne positive avait en moyenne 2 ou 3 personnes contacts seulement, essentiellement le cercle familial, explique Éric Lachat. Mais si ça repart, on devrait le voir dès cette semaine après 15 jours de déconfinement ». À Amiens, on est prêt : la caisse a été calibrée pour gérer 30 patients zéro par jour avec chacune 20 cas contacts.
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