Dépistage à domicile du VIH

Pour la première fois, le CNS se prononce en faveur des autotests

Publié le 25/03/2013
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« CE N’EST PLUS le même test et ce n’est plus le même contexte ». Président du Conseil national du sida (CNS) depuis le 27 avril 2012, le Pr Patrick Yeni explique ainsi ce qui peut sembler être un revirement de l’instance consultative. Saisi en 1998 par le directeur général de la santé sur l’opportunité de la mise sur le marché de tests à domicile de dépistage du VIH, le Conseil avait en effet considéré que ces tests n’étaient pas fiables et que leur utilisation présentait de nombreux inconvénients : suppression des consultations pré et post test, absence d’accompagnement en cas de résultat positif, possibilités d’usages détournés dans des situations coercitives. Le Conseil avait exprimé les mêmes réserves en 2004.

À la demande Marisol Touraine

Cette fois, répondant à une saisine de la ministre de la Santé qui dans un courrier du 8 août 2012, a de nouveau sollicité son avis sur les problèmes posés par la commercialisation d’autotests de dépistage, le CNS s’est pour la première fois en France prononcé en faveur de l’utilisation des autotests. Dans son courrier Marisol Touraine fait explicitement référence à l’autotest salivaire de dépistage de l’infection à VIH autorisé le 3 juillet dernier par l’agence américaine des médicaments (FDA). « Il est très probable qu’on le retrouve après cette date, accessible sur Internet », écrit-elle.

Le Pr Yeni le souligne : « Nous ne sommes plus en 1998 ou en 2004, le test a gagné en fiabilité. Par ailleurs, la stratégie a complètement évolué avec la notion "d’épidémie cachée", l’importance du dépistage précoce et l’autorisation des TROD (tests rapides d’orientation diagnostic). »

Si les tests de dépistage avec auto-prélèvement capillaire à domicile sont autorisés aux États-Unis depuis 1996, en Europe, aucun autotest n’est autorisé même si beaucoup sont disponibles à l’achat sur Internet. « La plupart d’entre eux sont contrefaits » et leur fiabilité est « inconnue », précise le CNS.

La nouveauté est que le nouveau test salivaire, Oraquick in Home HIV, approuvé aux États-Unis a fait l’objet d’une évaluation approfondie qui a montré une amélioration des performances de l’autotest. celui-ci présente une spécificité (capacité à donner un résultat négatif lorsque l’infection n’est pas présente) de 98 %, jugée satisfaisante, et une sensibilité (capacité à donner un résultat positif lorsque l’infection est présente) de 92,9 %. Cette sensibilité est « relativement moins satisfaisante » notamment en phase de primo-infection, relève le CNS qui souligne même qu’une étude réalisée par une équipe française a révélé une sensibilité encore moindre de 86,5 %. Toutefois le rapport bénéfices/risques quelles que soient les hypothèses retenues, notamment concernant le niveau de sensibilité et l’apparition de faux négatifs reste favorable. Son introduction en France permettrait la première année de découvrir 4 000 nouvelles infections et d’en éviter 400 (Aux États-Unis, les estimations étaient de 44 000 et 4 000).

L’épidémie cachée.

Ces chiffres sont à mettre en regard avec les 30 000 personnes infectées par le VIH et qui en France l’ignorent (soit 20 % des 150 000 personnes infectées). On estime que le taux de transmission du VIH dans la population des personnes qui ne se savent pas séropositives est 3 à 7 fois plus élevé que dans celle des personnes infectées. Cette « épidémie cachée » et le retard de diagnostic qui en découle, a une incidence pour les personnes infectées (pertes de chances) et pour la collectivité. « Il est aujourd’hui prouvé que le traitement antirétroviral ... réduit très fortement le risque que la personne infectée transmette le virus par voie sexuelle », rappelle le CNS.

L’introduction de ces autotests permettrait « de mieux adapter le dispositif d’offre de dépistage au contexte épidémiologique, médical et social actuel de la lutte contre le VIH en France », estime donc le CNS.

« C’est un outil additionnel, complémentaire des autres dispositifs et qui peut permettre de toucher les personnes qui n’auraient pas eu recours au dépistage. L’autotest ne va pas tout régler notamment le problème de l’épidémie cachée », prévient le Pr Yeni. Chez les homosexuels, ceux qui vivent une sexualité secrète, qui habitent dans des petites villes ou des zones périurbaines ou rurales et recherchent plus d’anonymat ou encore les personnes réticentes à se rendre dans un CDAG (Centre de dépistage anonyme et gratuit) ou en grande précarité (migrants, prostituées, usagers de drogues par voie injectable) pourraient bénéficier du dispositif.

Disponibles aussi sur Internet

Pour cela les modes d’accès aux tests doivent être « diversifiés et adaptés » à leurs besoins. Le CNS propose de les rendre disponibles en vente libre dans les pharmacies, les parapharmacies, sur Internet mais aussi dans le cadre d’une distribution gratuite assurée par les associations, centres d’information, de dépistages et en médecin générale. Différents documents devront être fournis afin de préciser les conditions pratiques d’usage (prélèvement et analyse des résultats), les limites du test, en particulier celles liées à la fenêtre de séroconversion, et les enjeux du test de confirmation. Les coordonnées de structures compétentes devront être précisées de même que l’offre d’assistance à distance disponible 24h/24 et 7j/7 assurée par un opérateur tel que SIDA INFO SERVICE par exemple.

 Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9229