Ce récit a pour but de rendre hommage aux confrères et consoeurs de l’ombre, qui hier soir, parmi toute la pagaille et les patients ensanglantés, ont réchauffé mon coeur.
Jeune interne, je rentre le vendredi soir pour trouver les mauvaises nouvelles. À l’annonce de la prise d’otage, je sais ce qui va suivre – un afflux important de blessés.
Je me rends donc dans le service d’urgences le plus proche vers minuit : brancarder un patient, voir les urgences « habituelles »… en gros vider le service en attendant d’avoir des nouvelles du coeur de Paris.
C’est là que l’annonce du raid est donnée, que tout le monde s’organise en binômes, en attente de patients, car tout une vague de patients va arriver.
Entre temps, un grand nombre de collègues ont eu la même idée : généralistes, spécialistes, hospitaliers comme libéraux, internes et externes des hôpitaux, se ruent pour aider l’équipe de garde. J’y retrouve des camarades de la faculté, cela redonne un boost énorme au moral. Chacun selon ses moyens, ses connaissances, ses réflexes, nous travaillons, quasiment dans le silence, simplement quelques cris lancés pour un bilan, pour une radio, pour un transfert… Personne n’a jamais fait face à une telle crise, et malgré cela, tout le monde est là et travaille.
On ne connaît même pas nos prénoms, seulement celui de son binôme, et on se serre les coudes. On fait face à l’afflux de plaies par balle. Le patron est là, organise, dirige, surveille le bon déroulement, encourage les équipes. On nous ramène un pack d’eau pour respirer une minute.
Et puis, d’un coup, il est 5 heures du matin, les patients ont été triés, orientés, suturés, rassurés. Et les urgences se vident. Tout le monde est reparti, il n’y aura pas d’autre vague de blessés, les chirurgiens opèrent, les lits dans les étages sont prêts. Les infirmiers, les aide-soignants, les brancardiers, les cadres, auront fait preuve d’une efficacité à couper le souffle, sans broncher, sans s’arrêter. Le plan blanc fonctionne.
Merci de tout mon coeur à cette équipe naturelle qui s’est formée, sans mots, sans se remercier à la fin, sans débriefer. Tout le monde est parti et je n’ai pas même pu leur serrer la main.
Merci à ces médecins hommes et femmes, courageux de la nuit, anonymes qui dans l’ombre ont tenté de limiter les dégâts. Se sentir utile direz-vous? Pas tant que ça. Soigner un carnage qui n’aurait jamais dû avoir lieu, évitable, pas de quoi être fier. Se sentir unis ? Ah, ça oui. Comme jamais.
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