Étudiante en D4, stage en hématologie clinique, le service est dirigé par un PUPH très brillant mais glacial ne manifestant aucune empathie envers les étudiants. Je suis la seule externe de D4, je roule un peu des mécaniques auprès des plus jeunes.
Je dois examiner un patient qui vient d’entrer pour prise en charge d’une pancytopénie avec douleurs abdominales. Je fais l’examen clinique avec une jeune externe de D1, je palpe soigneusement l’abdomen que je trouve un peu tendu mais je mets ça sur le compte d’une anxiété du patient qui n’aime pas trop se faire examiner.
Je note dans l’observation, pas d’hépatomégalie, pas de splénomégalie. Grande visite avec le patron quelques minutes plus tard, toute la troupe le suit, internes, chef de clinique, surveillante, étudiants, je dois présenter le patient, préciser la sémiologie et les résultats de mon examen clinique. Evidemment, je précise bien « pas d’hépatosplénomégalie ».
Le patron pose ses mains sur l’abdomen du patient, me regarde d’un air froid et accusateur et lance bien fort : « Hépatomégalie et splénomégalie énormes allant jusqu’à la ligne médiane et descendant dans le pelvis. Mademoiselle on ne peut pas vous faire confiance et dire que dans 6 mois vous serez interne avec des patients sous votre responsabilité. » Regardant ensuite toute l’assemblée : « Très bel exemple de syndrome myéloprolifératif chronique avec abdomen entièrement envahi par le foie et la rate. »
Je suis foutueTout le monde me regarde, personne ne dit un mot, le temps s’arrête, je voudrais disparaître, en palpant mes mains se sentaient aucune dépression c’était uniformément plat, un peu tendu, certes… Je deviens blême, mon cœur s’arrête, je voudrais disparaître, effacer le temps, c’est trop tard je suis envahie par la honte, je fais connaissance avec l’humiliation, je suis foutue, je ne vais jamais être un bon médecin si je ne sais pas palper un bide, je me liquéfie sur place, c’est fini, la troupe sort de la chambre, pas un regard de soutien.
Le patient me tire par la manche de ma blouse : « Faut pas vous en faire ma petite, vous êtes gentille et là pour apprendre, c’est dur le métier d’infirmière. » Je bafouille un grognement, marmonne entre mes dents : « Mais je suis étudiante en médecine, je termine dans quelques mois. » Je vais pleurer dans le cagibi qui sert de bureau aux externes, je veux tout arrêter.
Finalement, j’ai continué et je suis devenue hématologue et je prends un soin tout particulier à expliquer aux étudiants comment on cherche un foie, une rate.
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