« Inéluctables ». C'est le terme utilisé par le Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars) au sujet des émergences et épidémies de maladies à transmission vectorielle. Dengue, Zika, chikungunya, fièvre jaune, les arboviroses à moustiques Aedes figurent au premier plan des préoccupations, car elles « sont depuis plusieurs décennies des problèmes de santé publique en territoires ultramarins, et pourraient le devenir en métropole », indique dans une note de cadrage le Covars qui doit rendre un avis sur le sujet courant mars.
La dengue en particulier a généré le plus de cas, parfois sévères, ces dernières années. « Après avoir enregistré près de 250 000 cas de chikungunya en 2005-2006, la Réunion a notifié plus de 30 000 cas de dengue en 2021, où cette maladie est maintenant endémique, rappelle le Covars. Plus de 20 000 cas évocateurs de dengue et 10décès ont été signalés en Martinique en 2020. La Guadeloupe observe, fin 2022, une augmentation des cas de dengue (> 400 cas) ». La France métropolitaine est maintenant concernée avec 65 cas autochtones de dengue en 2022 et « de nouveaux cas attendus dans les prochaines années en raison du vecteur Aedes albopictus », est-il souligné.
S'il existe 3 600 espèces de moustiques dans le monde, environ 350 en outre-mer et 65 en France (dont le Culex, le moustique commun), les vecteurs des arboviroses sont les espèces Aedes aegypti et albopictus
Réchauffement climatique
Comment expliquer la montée de ces maladies vectorielles ? « En outre-mer, les épidémies de dengue sont récurrentes en raison de la protection immunitaire imparfaite de la population, explique Anna-Bella Failloux, responsable du laboratoire Arbovirus et insectes vecteurs, à l'Institut Pasteur. Après l'exposition à l'un des quatre sérotypes, il existe une protection croisée mais de courte durée. Le fond de dengue s'explique par la présence perannuelle du moustique Aedes aegypti, qui s'est très bien adapté à notre mode de vie et pique l'homme exclusivement ». Le moustique vit en ville dans des gîtes artificiels (pots de fleurs, gouttières, etc.), à proximité de l'homme puisqu'il a un périmètre de vol de 150 à 500 mètres seulement.
Le caractère explosif des épidémies s'explique par la forte densité de population et le mode de vie à l'extérieur, mais aussi par l'augmentation des échanges avec l'ouverture des frontières et surtout par le changement climatique favorable aux moustiques.
Si Aedes aegypti originaire d'Afrique vit en pays chaud, Aedes albopictus, le moustique tigre, originaire d'Asie du Sud-Est, présente une plus grande capacité adaptative : ses œufs peuvent survivre au froid et à la sécheresse avant d'éclore à la saison prochaine. « Par rapport à A. aegypti qui peut transmettre la dengue et le chikungunya, A. albopictus a une activité beaucoup plus intense puisqu'il peut piquer aussi l'animal et a le potentiel de transmettre 26 virus différents », souligne la scientifique de Pasteur. Les deux Aedes sont en compétition et, à la Réunion, A.albopictus a pris le dessus sur l'A.aegypi très primitif présent sur l'île. En Europe, le moustique tigre ne l'est pas avec le Culex.
Arrivée d'Aedes albopictus en Europe
« Jusqu'à la dissémination récente d'Aedes albopictus, qui vit en milieu tropical et tempéré, il s'agissait de maladies exotiques qui sévissaient dans les pays chauds, poursuit l'entomologiste. Désormais, il y a de l'Albopictus dans le monde entier. Cette année, en métropole, il y a eu des cas de dengue, exceptionnellement tard, jusqu'en novembre, avec un débordement de la région sud-est vers le sud-ouest ».
Détecté pour la première fois en 2004 dans le sud-est de la France, le moustique, arrivé via les activités humaines et le commerce de marchandises, est bien implanté, puisqu'il est présent dans 70 départements, soit les 4/5 du territoire.
Après une première introduction circonscrite à l'Albanie en 1979, la percée d'Albopictus en Europe s'est produite dans les années 1990 en Italie à Gênes, après des échanges avec les États-Unis : les œufs transportés dans les pneus ont pu éclore à une période de l'année favorable. Depuis, le moustique tigre a colonisé toute la péninsule avant de disséminer en France.
La propagation d'Albopictus va se poursuivre en métropole. « Dans dix ans, il y en aura partout, prévient Anna-Bella Failloux. Le réchauffement climatique va accélérer le phénomène. Le métabolisme du moustique va être plus rapide et son développement à l'âge adulte plus précoce. S'il est infecté, il transmettra plus rapidement ».
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