« Aujourd’hui, tout le monde reconnaît les bénéfices de la réhabilitation respiratoire (RR) pour les patients BPCO. L’Assurance-maladie est, elle aussi, je pense, convaincue de l’intérêt de cette prise en charge. Et malgré tout, cela bloque toujours au niveau du remboursement. Cela fait plus de dix ans que ce dossier est sur la table. Mais l’enjeu financier est tel que la CNAM ne veut pas franchir le pas du remboursement », constate le docteur Alain Bernady (Cambo-les-Bains).
Ces dernières années, plusieurs travaux ont mis en évidence l’intérêt de la réhabilitation respiratoire pour les patients BPCO. La dernière évaluation en date a été rendue publique en mai 2014 par la Haute Autorité de santé (HAS). Celle-ci souligne que la RR est une « des composantes principales » du traitement non médicamenteux des patients BPCO. Selon la HAS, elle doit être prescrite dès que le patient présente une dyspnée, une intolérance à l’exercice ou une diminution de ses activités quotidiennes malgré un traitement médicamenteux optimisé. « Dans ses indications, elle améliore la capacité d’exercice et la qualité de vie, réduit la dyspnée, l’anxiété et la dépression liées à la BPCO, et diminue le nombre d’hospitalisations », indique la HAS, en ajoutant que « tous les patients, pour qui elle serait indiquée, n’y ont pas accès et les ressources sur le territoire sont hétérogènes ».
À chaque patient sa prise en charge
Mais en dépit de cette prise de position forte de la HAS, la réhabilitation respiratoire n’est toujours remboursée par l’Assurance-maladie. « Il y a 3 millions de patients BPCO en France et il est clair que la CNAM freine face à l’enveloppe financière qui serait nécessaire pour développer une vraie réhabilitation multidisciplinaire. En effet, pour être vraiment efficace, un traitement de réhabilitation doit intégrer plusieurs composantes : le ré-entrainement à l’effort, de l’éducation thérapeutique mais aussi la prise en charge des comorbidités, avec souvent un soutien psychologique, diététique », indique le Dr Bernady.
Mais le problème, selon lui, est que les caisses ont souvent une vision restrictive de la réhabilitation respiratoire. « Elles ont tendance à confondre réhabilitation respiratoire et ré-entraînement à l’effort. Du coup, elles remboursent les séances chez le kinésithérapeute et encore de manière assez hétérogène selon les endroits. Mais pour faire une vraie réhabilitation respiratoire, il faut souvent avoir un éducateur sportif qui va modifier les comportements des patients en matière d’activité physique. Chez les patients lourdement handicapés, il est aussi parfois nécessaire de faire appel à un ergothérapeute. Enfin, toute cette prise en charge nécessite un travail de coordination qui prend du temps et ne peut pas être fait lors d’une consultation médicale pour un autre problème. Idéalement, il faut pouvoir évaluer le patient, avant et après, la réhabilitation respiratoire », insiste le Dr Bernady.
Aujourd’hui, cette réhabilitation respiratoire est le plus souvent mise en œuvre dans des centres de soins de suite et de réadaptation (SSR). « En général, le financement est indifférencié dans ces centres. Dans certains endroits, des Agences régionales de santé (ARS) peuvent reconnaître à certains centres la capacité de gérer des pathologies cardiorespiratoires mais sans pour autant qu’ils ne bénéficient d’une enveloppe financière complémentaire. Or, ce n’est pas la même chose de prendre en charge une personne qui a besoin d’un peu de kinésithérapie après une pneumonie que d’assurer une prise en charge multidisciplinaire à un patient BPCO très lourd », estime le Dr Bernady.
Une solution serait de développer la réhabilitation respiratoire au sein des réseaux de santé qui peuvent bénéficier de réseaux dédiés de la part de l’ARS. « Mais on sait qu’en période de restriction budgétaire, ce sont souvent les réseaux qui sont touchés parmi les premiers. Et clairement, il n’existe aujourd’hui pas assez de réseaux en France pour prendre les patients pour faire de la réhabilitation respiratoire », indique le Dr Bernady.
Pour l’avenir, ce dernier estime que l’Assurance-maladie devrait prendre en compte les économies qui pourraient être réalisées grâce à la réhabilitation respiratoire. « Aujourd’hui, en France, seulement 15 % qui devraient être réhabilités, le sont effectivement. Une partie de ces patients, qui sont sous traités, font des complications parfois graves. Et il faut savoir qu’une journée de réanimation à l’hôpital correspond au prix de 3 semaines de réhabilitation », indique le Dr Bernady.
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