Les premières expérimentations de télésurveillance ont débuté au Québec, il y a une douzaine d’années, avec un premier projet mené au CSSS Jardins-Roussillon chez des femmes ayant une grossesse à risque du fait d’un diabète gestationnel. Depuis, de nombreuses expériences de télésoins à domicile ont été déployées dans différents établissements de santé, pour des patients ayant une maladie chronique: diabète, asthme, hypertension artérielle (HTA), bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), ou encore insuffisance cardiaque.
"Sur la base de résultats encourageants, soulignant notamment l’intérêt de la télésurveillance des maladies chroniques en termes de bénéfices cliniques, d’observance et de réduction de la consommation de soins, le Ministère de la santé a financé deux études (voir encadré) avec deux objectifs: évaluer la viabilité économique de programmes de télésoins et vérifier dans quelle mesure les effets obtenus se maintiennent dans le temps", expose le Pr Guy Paré.
Un enjeu clinique
"Leurs résultats très positifs marquent un tournant. Le temps des projets pilotes est révolu et nous devons passer aux actes, investir les ressources pour déployer la télésurveillance de façon permanente et intégrée aux soins. Une enquête qualitative menée au printemps dernier auprès d’une dizaine d’experts de la télésurveillance a permis de bien cerner les enjeux de ce passage de l’expérimentation vers la logique d’intégration", poursuit le Pr Paré. Ils sont de trois ordres.
Cliniques tout d’abord, avec la question fondamentale des objectifs poursuivis et des patients ciblés pour chaque démarche. Dans ce contexte, deux logiques complémentaires co-existent : la télésurveillance peut viser à assurer un suivi clinique étroit, pour stabiliser un patient qui traverse un épisode de décompensation par exemple, mais elle peut aussi avoir pour but de responsabiliser un patient, de lui apprendre à s’autogérer et s’adresse alors plutôt à des sujets ayant des problèmes d’observance et qui démontrent une volonté de prise en charge. Dans l’étude menée chez des patients ayant une BPCO sévère, il n’a pas été possible de les aider à mieux s’autogérer, ils sont trop gravement atteints et la télésurveillance doit dans ce cadre répondre à un objectif de suivi clinique. A l’inverse, chez des patients moins sévères comme ceux suivis dans la première étude, l’objectif d’autogestion est tout à fait licite. Autre enjeu clinique: l’amélioration des protocoles pour permettre une adaptation au cas par cas, en établissant des niveaux d’alerte individualisés et non plus génériques, en modulant la fréquence de saisie des données ou la durée du suivi à distance.
Enjeu organitionnel
Les enjeux sont également d’ordre organisationnel: comment intégrer la télésurveillance dans l’organisation des soins à domicile traditionnels? "Il s’agit peut- être du défi le plus important", note le Pr Paré, avant de préciser qu’une organisation centralisée apparaît sans doute plus pertinente qu’une approche décentralisée, qui peut se heurter au problème d’une masse critique insuffisante. Plusieurs questions sont en suspens, portant notamment sur la répartition des ressources, sur le maintien ou non des visites de routine, sur la place de la télésurveillance, qui peut venir en complément ou en alternative au suivi régulier.
Enjeu technologique
Enfin, les enjeux sont aussi technologiques. "Nous insistons sur la convivialité de l’outil technologique, d’autant plus nécessaire que nous nous adressons à une population souvent âgée. La question du recours ou non à des instruments électroniques pour la saisie des signes vitaux se pose, car dans une logique d’éducation la saisie manuelle peut aider le patient à prendre conscience de sa maladie. La notion de flexibilité de l’instrument doit être prise en considération: logiciel, navigateur web, solution mobile, le choix doit être adapté à chaque situation.
De même, la qualité du soutien technique, et la définition du rôle de chaque intervenant est essentielle pour répondre aux exigences de réactivité en cas de panne ou de problèmes techniques.
Les bonnes questions sont aujourd’hui posées, il faut apporter les bonnes réponses", conclut le Pr Guy Paré.
Dr Isabelle Hoppenot
D’après un entretien avec le Pr Guy Paré, Titulaire de la chaire de recherche du Canada en technologie de l’information dans le secteur de la santé, HEC Montréal, Canada.
Article précédent
Le bénéfice du télésuivi des insuffisants rénaux à risque
Article suivant
Succès de l’autogestion des antivitamines K
Le bénéfice du télésuivi des insuffisants rénaux à risque
La télésurveillance intégrée au système de soins
Succès de l’autogestion des antivitamines K
La télésurveillance des insuffisants cardiaques pose ses jalons
Le succès d’un camion itinérant dans les zones isolées de la région Midi-Pyrénées
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature