Prévention des troubles de la mémoire

Les essais cliniques en pleine mutation

Publié le 19/10/2015
La prévention des troubles de la mémoire repose  sur des interventions multidomaines

La prévention des troubles de la mémoire repose sur des interventions multidomaines
Crédit photo : PHANIE

En amont d’un essai clinique, il convient de définir la population à inclure, le type d’intervention testée, le temps de suivi et le critère de jugement principal. Compte tenu du délai d’apparition de la maladie d’Alzheimer, une quinzaine d’années peuvent s’écouler entre la décision d’entreprendre un essai clinique et celui où l’on en analyse les résultats.

«Il y a encore quelques années, nous n’étions pas capables de diagnostiquer la maladie à des stades plus précoces. Il fallait attendre longtemps -jusqu’à ce que la maladie se développe et soit diagnostiquée- pour pouvoir évaluer l’effet de l’intervention. Désormais, la définition de la maladie d’Alzheimer comprend le stade prodromal. Cela modifie profondément les critères des essais cliniques -actuels et futurs- axés sur la prévention de cette maladie », souligne la Pr Sandrine Andrieu (INSERM 1027, université Paul Sabatier, Toulouse).

Ces dernières années, un grand nombre d’essais se sont fondés sur les résultats des études de cohorte. Il a ainsi été montré que les personnes pratiquant une activité physique régulière ou ayant une alimentation équilibrée avaient moins de troubles de la mémoire que les autres. Des études d’intervention ont également évalué l’effet de l’activité physique ou d’une diète particulière dans l’objectif de retarder, voire d’éviter l’apparition de la maladie d’Alzheimer. « Ces essais, souvent négatifs, ne permettent pas de conclure, pour autant, à l’inefficacité des interventions testées. Leurs résultats signifient plutôt que l’efficacité des interventions n’a pas pu être démontrée dans les conditions particulières de l’essai (moment, durée et/ou intensité de l’intervention). En faisant une revue de la littérature des essais sur la prévention de la perte de mémoire (1), nous nous sommes rendu compte qu’il ne fallait pas remettre en cause toutes ces interventions. Certains essais ont des résultats positifs concernant le lien entre nutrition, activité physique, stimulation cognitive et mémoire. Il faut renouveler ces essais, avec les nouveaux critères diagnostiques de la maladie, incluant des stades plus précoces », affirme la Pr Andrieu.

Agir sur plusieurs facteurs

La revue de la littérature réalisée par l’équipe de la Pr Andrieu a également mis en évidence le manque d’essais sur l’action combinée de l’activité physique, d’une diète nutritionnelle et d’une stimulation cognitive. « La maladie d’Alzheimer étant une maladie multifactorielle, il semble préférable d’agir sur plusieurs facteurs à la fois pour tenter de la prévenir. Or, la majorité des études d’intervention n’ont étudié qu’un seul facteur », note la Pr Andrieu.

Actuellement, une douzaine d’études multidomaines (associant plusieurs interventions) sont mises en place en Europe. « Une étude finlandaise (2) a notamment démontré l’efficacité d’une intervention multidomaine sur le déclin cognitif des personnes âgées. Pour notre part, nous terminons l’analyse d’une étude multidomaine similaire, l’essai MAPT, réalisé en France auprès de 1 680 sujets ayant des problèmes de mémoire. Les premiers résultats sont conformes à nos attentes », conclut la Pr Andrieu.

D’après un entretien avec la Pr Sandrine Andrieu, INSERM 1027-université Paul Sabatier, Toulouse

 

(1) Andrieu S. et al. Lancet Neurol. 2015 ;14(9):926-44

(2) Lancet 2015;385(9984):2255-63


Hélia Hakimi Prévot

Source : Le Quotidien du Médecin: 9442