Diagnostic de douleurs thoraciques

Pas d’intérêt clinique du coroscanner en première intention

Publié le 09/04/2015
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Le coroscanner est inférieur aux examens de recherche d’ischémie

Le coroscanner est inférieur aux examens de recherche d’ischémie
Crédit photo : PHANIE

La possibilité de voir le réseau coronaire par un examen non invasif, le coroscanner d’au moins 64 barrettes, avait fait envisager une profonde modification de la prise en charge de la maladie coronaire. En effet, en utilisant le coroscanner dans le bilan de douleurs thoraciques, une coronarographie dans un objectif de revascularisation pourrait n’être proposée qu’aux seuls patients ayant des lésions coronaires significatives. Leurs absences au coroscanner permettraient de rassurer les patients et la présence de lésions non significatives amènerait à renforcer le traitement médical des facteurs de risque. Plus encore, pourquoi, dans certaines populations, ne pas envisager que le coroscanner puisse être un examen plus ou moins systématique de dépistage de la maladie coronaire ?

Et cet intérêt direct semblait d’autant plus important que les moyens usuels de diagnostic de la maladie coronaire, c’est-à-dire les examens de recherche d’ischémie, sont grevés de limites : faux positifs conduisant à effectuer des coronarographies chez des patients n’ayant pas de lésion significative ; faux négatifs conduisant à méconnaître une maladie coronaire avec des lésions significatives.

Les sensibilités et spécificités du coroscanner pour diagnostiquer une maladie coronaire ont été largement évaluées. Il restait à savoir si une stratégie diagnostique reposant sur un coroscanner d’emblée, chez un patient consultant pour des symptômes évoquant un angor, mais sans élément indiquant la nécessité de prise en charge en urgence, modifie le pronostic, par rapport à une prise en charge diagnostique usuelle, reposant en première intention sur des examens de recherche d’ischémie : épreuve d’effort, échocardiographie de stress ou scintigraphie myocardique.

L’étude PROMISE évaluait si le coroscanner pouvait permettre de diminuer le risque d’événements CV majeurs, de façon supérieure aux examens fonctionnels.

Un essai ambitieux et pragmatique

L’étude PROMISE a été un essai ambitieux car ses concepteurs ont voulu y inclure 10 000 patients consultant pour des symptômes pouvant évoquer une maladie coronaire symptomatique mais ne justifiant pas une prise en charge en urgence.

Ils étaient alors randomisés pour avoir en première intention soit un coroscanner (d’au moins 64 barrettes), soit un examen fonctionnel au choix des médecins (épreuve d’effort, échocardiographie de stress ou scintigraphie myocardique).

La prise en charge thérapeutique qui suivait le résultat de l’examen était laissée au choix des médecins.

Le critère primaire évalué avec un suivi de deux ans était composé des décès, IDM, hospitalisations pour angor instable ou complications perprocédure de revascularisation. L’étude évaluait une hypothèse de supériorité, avec le coroscanner le risque d’événements du critère primaire devait être réduit de 20 %. En cas de non atteinte de la supériorité, une hypothèse de non-infériorité était alors testée, avec une marge de non-infériorité de 10 %.

L’étude, conduite aux États-Unis et au Canada, a inclus 10 003 patients, âgés en moyenne de 60,5 ans, dont 52 % étaient des femmes et 21 % des diabétiques.

Au terme d’un suivi moyen de 2 ans, il y a eu 164 événements du critère primaire dans le groupe ayant passé un coroscanner et 151 dans celui ayant eu un examen fonctionnel. L’expression statistique de l’étude démontre qu’une prise en charge par le coroscanner ne permet pas de démontrer sa supériorité (HR : 1,04 ; IC 95 % : 0,83-1,29 ; p = 0,75) ni sa non-infériorité. Plus simplement, une prise en charge par un coroscanner est inférieure à une prise en charge par un examen fonctionnel pour améliorer le pronostic CV de patients consultant pour un symptôme évoquant une maladie coronaire.

Chez les patients qui ont eu un coroscanner il y a eu moins de coronarographie sans lésion significative (170 versus 213 ; p = 0,022) mais plus de revascularisation coronaire (311 versus 158) que chez ceux qui ont eu un examen fonctionnel, et cela sans incidence sur le pronostic.

Les apports de PROMISE

L’étude PROMISE ne va donc pas changer la pratique de la cardiologie : les examens de recherche d’ischémie doivent rester les examens de diagnostic de première intention de personnes ayant des symptômes évoquant une maladie coronaire ne justifiant pas d’être prise en charge en urgence.

Dans ce type de population, le risque d’événements CV majeurs à 2 ans est faible (3 %) et le recours à une coronarographie peu fréquent (10 %).

Les deux moyens diagnostics évalués conduisent à une modification de la structure de prise en charge des patients. Avec le coroscanner, il y a moins de coronarographie, celle-ci pouvant être évitée chez les patients sans lésion coronaire significative, mais avec plus de revascularisation coronaire, sans que cela influe sur le pronostic. Ce résultat fait envisager qu’il n’y avait pas d’indication clinique à proposer une revascularisation des lésions coronaires mises en évidence par le coroscanner qui pourrait ainsi conduire à des revascularisations par excès.

Avec les tests fonctionnels, il y a plus de coronarographies effectuées rendant compte des faux positifs de ces tests, qui en constituent la limite, et moins de revascularisations coronaires, sans influence majeure sur le pronostic. Ceci fait envisager que la pratique d’un test fonctionnel permette d’éviter des revascularisations coronaires sans pertinence clinique.

Pour conclure, cette étude rappelle plusieurs paradoxes de la maladie coronaire non instable : il faut qu’elle soit à la fois cause d’ischémie et qu’il y ait une lésion significative pour justifier d’une revascularisation destinée à soulager des symptômes mais sans influence sur le pronostic ; mettre en évidence une lésion significative ne signifie pas que sa revascularisation améliorera le pronostic ; enfin, même une lésion non significative peut être cause d’un infarctus et la primauté reste à la prévention hygiénodiététique et pharmacologique.

Douglas PS et al. NEJM. DOI:10.1056/NEJMoa1415516

Source : Le Quotidien du Médecin: 9402