Depuis 1945

L’histoire du Samu en France

Publié le 08/06/2015
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Le Dr Philippe Menthonnex ne boude visiblement pas son plaisir lorsqu’il s’agit de raconter l’histoire de la création des SAMU en France.

« Et cela peut être utile notamment pour certains jeunes confrères qui, parfois, ignorent à peu près tout de cette histoire », explique l’ancien responsable du SAMU 38 et du CHU de Grenoble. Lors du congrès, le Dr Menthonnex présentera en compagnie du Dr Bruno Chavagnac un tout nouveau livre : « Anesthésie, Analgésie, Réanimation, Samu. Notre histoire de 1945 aux années 2000. Tome II : le Samu » (éditions Glyphe).

La création des SAMU s’est appuyée sur des enseignements tirés de la seconde guerre mondiale puis des guerres coloniales dans les années 1950 et 1960. « On a beaucoup appris de ces différents conflits, notamment sur les techniques de perfusion des blessés. On peut rappeler par exemple que les navires américains, sur les plages du débarquement, transportaient 9 000 litres de sang et 7 500 litres de plasma. Cela permettait aux infirmiers militaires de perfuser les blessés à même la plage », explique le Dr Menthonnex.

Évacuation aérienne des blessés

La deuxième guerre mondiale a aussi mis en valeur une méthode initiée lors de la guerre 14-18 : l’évacuation aérienne massive des blessés. Au total, environ 12 millions de blessés en auront bénéficié, dont 52 000 blessés allemands encerclés à Stalingrad. « Ce mouvement s’est ensuite poursuivi avec la guerre de Corée et du Vietnam pour les États-Unis et la guerre d’Indochine et d’Algérie pour la France. Durant ces conflits, on a vu se multiplier les évacuations avec cet outil fabuleux qu’est l’hélicoptère. Et qui permettait d’aller "cueillir" les blessés sur les zones de combat pour les amener, en moins d’une heure, sur une antenne chirurgicale, indique le Dr Menthonnex. Durant la guerre d’Algérie, ces techniques d’évacuation ont été mises en œuvre par des médecins intégrés au service de santé des armées. Après la guerre, ces médecins sont revenus dans les hôpitaux civils où ils ont pu faire partager leur expérience », souligne le Dr Menthonnex.

La route, naissance du SMUR

Puis, dans les années 1960, la France a aussi pris conscience de l’insupportable morbimortalité routière et des moyens insuffisants pour assurer une bonne prise en charge des accidentés de la route. « À l’époque, l’Académie de médecine faisait le constat que 50 % de blessés mourraient durant leur trajet à l’hôpital. Le neurochirurgien Marcel Arnaud avait alors eu cette phrase : " On relève un blessé, on évacue un moribond et on hospitalise un mourant "…Ce constat est remonté jusqu’aux autorités politiques. Et le 2 décembre 1965, le gouvernement a publié un décret obligeant les hôpitaux à se doter de "moyens mobiles de secours et de soins d’urgence" », raconte le Dr Menthonnex.

Les SMUR étaient nés et s’implantèrent peu à peu dans les hôpitaux avec, ici ou là, quelques résistances internes. « Dans certains établissements, il y avait parfois de la frilosité à l’idée d’aller s’occuper de ce qui se passait au-delà de la porte de l’hôpital », confie le Dr Menthonnex.

Régulation

Très vite apparue aussi la nécessité de mieux réguler les appels et les déplacements des SMUR. « Je me rappelle qu’en 1972, on s’était fait engueuler parce que 1 200 gamins avaient été hospitalisés par le SMUR de manière abusive au CHU de Grenoble, notamment pour des rhinopharyngites ou des gastro-entérites. Le problème est qu’à l’époque, les médecins hospitaliers n’avaient pas le droit de faire des ordonnances en ville, pour ne pas concurrencer la médecine de ville. Résultat, quand on arrivait au domicile d’un gamin avec 40° de fièvre, il fallait piocher dans la pharmacie familiale pour trouver de quoi faire baisser la fièvre. Et si on ne trouvait rien, on était souvent obligé d’embarquer le mouflet à l’hôpital… ».

C’est de ce constat qu’est née la régulation médicale. « Elle s’est mise en place le 15 mai 1974 à Grenoble à 8 heures du matin. Au bout du téléphone, il y avait un docteur chargé d’évaluer la situation et juger si le problème relevait du généraliste, de l’ambulance privée ou des pompiers ou du SMUR. Et dès septembre 1976, les confrères libéraux sont venus nous aider à la régulation pendant les heures de forte activité des appels reçus au SAMU, les dimanches et les jours fériés. Cette forme de collaboration des médecins de ville avec les médecins hospitaliers sera préconisée par la circulaire sur le 15 de Simone Veil en février 1979 », explique le Dr Menthonnex.

D’après un entretien avec le Dr Philippe Menthonnex, ancien responsable du SMU 38 et du CHU de Grenoble

Exergue ou légende :

Les navires américains transportaient au débarquement 9 000 litres de sang et 7 500 litres de plasma

Antoine Dalat

Source : Le Quotidien du Médecin: 9418