Dans son rapport sur la ruralité remis au Premier Ministre, le député de Dordogne Jean-Pierre Cubertafon (MoDem) propose de mieux rémunérer les médecins qui s'installent dans les déserts médicaux. Au-delà de la mesure proposée, il faut saluer le fait que ce parlementaire a compris qu’en période de pénurie de médecins généralistes — et cela va durer encore une dizaine d’années avant de voir une amélioration durable — seules les mesures incitatives pouvaient avoir un impact positif et que les mesures coercitives resteraient au mieux sans effet, voire auraient des effets contreproductifs, car il n’y a pas aujourd’hui de zones sur dotées en médecins traitants en France.
Augmenter le tarif des actes pour favoriser l’installation de médecins existe déjà dans les DROM afin de prendre en compte un coût de la pratique supérieur dans ces territoires éloignés de la métropole. La convention médicale a aussi mis en place le Contrat de solidarité territorial médecin (CSTM) qui propose une majoration de 25 % des honoraires (limité à 50 000 €/an) pour les médecins installés dans une zone qui n’est pas sous-dense mais qui viennent régulièrement travailler dans des zones sous-denses. Seuls quelques médecins généralistes en France ont été intéressés par cette formule qui n’a donc pas été jugée intéressante par les médecins généralistes.
Une telle majoration a aussi été envisagée puis abandonnée par certains syndicats pour les trois grandes villes que sont Paris, Lyon et Marseille afin de prendre en compte le prix de l’immobilier qui rend très difficile l’exercice d’une médecine libérale de secteur 1 et amène ces médecins à exercer en secteur 2 avec des dépassements d’honoraires.
Permettre la facturation à 30 euros de la consultation, aujourd’hui à 25 euros, avec un différentiel à charge de la Sécurité Sociale ne pourrait pas se limiter aux seuls médecins qui s’installent dans une zone sous-dense, mais devrait aussi concerner l’ensemble des médecins exerçant dans cette zone. Sinon, les problèmes rencontrés par les hôpitaux, avec des différences de rémunération entre les médecins remplaçants et les autres, se reproduiraient avec le risque de voir les médecins déjà installés quitter les territoires.
Ces territoires méritent mieux que des mercenaires
Se poserait aussi la question du devenir d’une telle majoration une fois retrouvée une démographie plus favorable. L’exemple, ces dernières semaines, de nombreux hôpitaux qui ont perdu leurs remplaçants du fait de l’application d’une mesure votée par les parlementaires limitant leur rémunération, en revenant sur ce qui finit par être considéré comme un acquis, montre les problèmes générés par de telles disparités. Au final, le gouvernement a dû en urgence reporter cette mesure pour éviter la fermeture de services d’urgence, de SMUR, de maternités et de services de chirurgie.
Même si l’on ne peut nier qu’un certain nombre de médecins généralistes seraient intéressés par une telle mesure — ne voit-on pas des remplaçants accepter de venir dans ces zones sous condition de percevoir 100 % de la recette — les médecins qui s’installent aujourd’hui ont d’autres priorités. Ils souhaitent allier une organisation professionnelle adaptée à une prise en charge coordonnée pluri-professionnelle de la population, à une qualité de vie personnelle, familiale et sociétale qui est souvent absente du fait d’un aménagement du territoire déficient.
Ces territoires méritent mieux que des mercenaires et doivent être en mesure de permettre le maintien d’une offre de soin stable, élément important pour une bonne coordination entre les différents professionnels de santé du territoire, garantie de parcours de santé de qualité pour les patients.
Ces territoires doivent mettre à disposition des médecins une ingénierie pour les accompagner dans la transformation de leurs organisations professionnelles. Chacun sait qu’aujourd’hui un médecin généraliste qui embauche un assistant médical à temps plein de niveau infirmier, prendra en charge 20 % de patients en plus sans travailler plus, en améliorant ses revenus et la prise en charge de ces patients.
Puisque certains jeunes médecins préfèrent l’exercice salarié à l’exercice libéral, l’État et l’Assurance maladie doivent proposer aux regroupements de professionnels de santé libéraux de salarier des médecins généralistes avec un modèle économique viable car cela est impossible aujourd’hui et seules les collectivités locales sont en mesure de le faire en assurant elle-même le déficit financier de leurs centres de santé.
Au total, augmenter le tarif de la consultation dans les zones sous-denses, s’il s’agit d’une mesure conjoncturelle incitative facile à mettre en œuvre, est une fausse bonne idée car elle ne permet pas d’apporter la transformation structurelle de l’offre de soins que mérite la population de ces territoires.
Par contre — mais là n’était pas l’objet de ce rapport — ce député aurait pu conseiller au Premier ministre de revaloriser la consultation de médecine générale à 30 € pour tous les médecins généralistes.
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