VIES DE MEDECIN

Jean-Baptiste Grisoli : pilier de la santé du XV de France

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Publié le 14/09/2015
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Dans l’enceinte du centre d’entraînement de Marcoussis, un grand coq d’acier se dresse sur ses ergots. Symbole de la France sportive et particulièrement du rugby, la sculpture est le point de rencontre avec le médecin des joueurs du XV de France. Le Dr Jean-Baptiste Grisoli porte le survêtement bleu marine de l’équipe nationale sur lequel le fier gallinacé est également présent.

Le cabinet dans lequel tous les joueurs sont suivis est situé à l’arrière d’un petit sas où, en guise de pause, deux rugbymen s’affrontent au tennis de table. La pièce est grande et lumineuse. Le médecin jette un furtif coup d’œil à sa montre. Il prend place à son bureau sobre et fonctionnel.

De robuste corpulence, Jean-Baptiste Grisoli a les cheveux coupés ras, accentuant ainsi la rondeur de son visage. Son regard vif et direct est à l’image du personnage qui ne s’embarrasse pas de fioritures. Pour aller plus vite, cet homme d’action avoue terminer volontiers les phrases des autres. Né un 15 septembre 1971 à Marseille mais Corse d’origine, Jean-Baptiste est l’unique garçon d’une fratrie de trois. Ses parents dirigent un hôtel en bord de mer en Haute Corse, entre Calvi et Galéria. « En tant qu’enfant, explique le médecin avec une pointe de nostalgie, la Corse, c’est la nature et la liberté, sans aucune contrainte si ce n’est celle de savoir nager pour ne pas se noyer. »

Une histoire de famille

Les grands-oncles et le père de Jean-Baptiste Grisoli ont chaussé avant lui les crampons au SMUC (Stade Marseille Université Club). Le médecin du XV de France se souvient avec plaisir : « J’ai passé du temps dans les tribunes à regarder mon père jouer dans le stade Jean-Bouin, à Marseille. »

Dès l’âge de 6 ans, sur ce même terrain, il enfile la tenue gris et noir des « smucistes », apprend lui aussi à plaquer. « Et je n’ai plus jamais arrêté… », précise-t-il en souriant franchement.

Le bac en poche, le jeune Grisoli est contacté par de grands clubs tels que Toulon. S’il décide de poursuivre des études, il est cependant indécis pour l’orientation à prendre. Doit-il faire du droit, à l’image de son grand-père maternel, doyen de la faculté d’Aix ? Doit-il au contraire se tourner vers la médecine comme son autre grand-père, doyen à la Timone ? Choix cornélien.

Le critère de proximité avec un terrain de rugby le fera pencher pour… la faculté de médecine. De là à penser que Jean-Baptiste Grisoli est devenu médecin grâce au rugby, il n’y a qu’un petit pas… Mais petit-fils d’un chirurgien, professeur d’anatomie, et neveu d’un neurochirurgien, le jeune homme ne tente pas l’inconnu.

Malgré tout, sa décision ne fait pas forcément l’unanimité. Fanou Grisoli, son oncle, chef du service de neurochirurgie à la Timone lui déconseille la voie médicale. Au vu de sa scolarité aléatoire, ses parents restent dubitatifs. Jean-Baptiste persiste. Il se place sous la houlette bienveillante d’un cousin redoublant. « Il m’a insufflé le bon rythme de travail. J’ai eu mon année du premier coup », déclare joyeusement le médecin du XV de France. Jean-Baptiste Grisoli se prend vite au jeu de l’anatomie et de la sémiologie médicale. Sa passion pour la médecine va crescendo mais ne prendra jamais le pas sur le rugby.

Il n’aura de cesse de pouvoir pratiquer les deux. « Le rugby, c’est mon équilibre, ma passion, j’en ai toujours eu besoin », explique avec force le médecin des Bleus.

Médecine et rugby ou la double constance

Le jeune homme poursuit son double parcours d’étudiant et de rugbyman. Il réussit l’internat mais y renonce. Les spécialités auxquelles il peut prétendre l’éloignent trop des centres d’entraînements de rugby. Il se tourne vers la médecine sportive et hyperbare et ouvre son cabinet libéral à Marseille. Il complète sa formation en traumatologie, ostéopathie et manipulation vertébrale. Tous les week-ends, le Dr Grisoli endosse son maillot de pilier.

Après sa thèse, Jean-Baptiste Grisoli est contacté par le Dr Joël Coste pour intégrer l’équipe médicale de l’Olympique de Marseille. En septembre 1999, l’OM lui demande d’être le médecin officiel de l’équipe de ligue 1. Une vague de changements met fin à cette fonction. Qu’à cela ne tienne. Le Dr Grisoli ne reste pas longtemps sur la touche. Il devient le médecin du SCB, les professionnels de l’équipe de foot de Bastia. Il arrête l’expérience au bout d’un an car, explique-t-il, « c’était trop contraignant et Bastia voulait un médecin résident corse. J’ai repris un mi-temps en libéral à Marseille et un mi-temps à hôpital tout en continuant le rugby à Bastia. »

Tous les jours, le médecin sportif effectue le trajet Marseille Bastia ! « Je prenais l’avion du soir pour l’entraînement et revenais sur Marseille par le premier vol du matin. » Faisant preuve d’une belle santé, le médecin rugbyman voyage dans l’autre sens pour les matchs du week-end. Ce rythme effréné se poursuit sur trois années.

Joueur professionnel… à 32 ans

Si sa passion pour l’ovalie n’est plus à prouver, le rugby prend encore de l’ampleur dans la vie du Dr Grisoli à partir de 2003 : il signe un contrat professionnel avec la Pro D2 d’Aix-en-Provence. C’est ainsi qu’il est moitié médecin et moitié joueur de rugby professionnel pendant deux ans. « Le très bon niveau n’est pas loin », précise-t-il. En 2005 le club faiblit sérieusement. Jean-Baptiste Grisoli quitte la pratique professionnelle du rugby. Il poursuit en amateur au SMUC, son club de cœur. Lorsque Philippe Saint-André est recruté comme entraîneur au RC Toulon, il demande au joueur-médecin d’intégrer l’équipe médicale. « À l’époque, je lui avais dit en rigolant, si tu t’occupes un jour de l’Equipe de France, tu penseras aussi à moi ! L’histoire a fait, que quelque temps après, il a tenu parole. »

Trois saisons plus tard, le 9 décembre 2011, le Dr Grisoli est officiellement le médecin du XV de France. « Je dois autant ce poste à ma carrière de rugbyman qu’à mon expérience de médecin », dit-il avec un large sourire, reconnaît cependant avec une pointe de regret que « la passion du rugby phagocyte tout et en particulier la famille… le tout en fait un vrai sport de combat ». Un combat qui va se livrer pour toute l’équipe des Bleus ce samedi, 19 septembre, face à l’Italie.

Annick Bernhardt-Olivieri

Source : Le Quotidien du Médecin: 9432
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