« Aujourd’hui, on se focalise beaucoup sur le coût de certains traitements du cancer, sans replacer les choses dans leur contexte. Et avant de parler des sommes dépensées, il est indispensable de rappeler que le cancer coûte chaque année 150 000 vies à la France », indique le Pr Jean-Charles Soria, chef du département d’innovation thérapeutique et essais précoces (DITEP), à l’Institut Gustave-Roussy (IGR) de Villejuif. Pour ce clinicien, ce débat sur le coût des thérapies innovantes ne peut être abordé sans évoquer l’impact du cancer pour la société. « On a tendance à oublier le coût de la perte de productivité liée au décès de ces 150 000 personnes chaque année en France. Les études sur le sujet sont peu nombreuses. Mais en 2009, l’Institut national du cancer (InCA) estimait à 17 milliards d’euros par an le coût de cette perte de productivité. Soit davantage que le total des dépenses engagées pour la prise en charge des cancers en France, soit environ 15 milliards d’euros par an », détaille le Pr Soria.
Selon lui, il faut en « finir avec l’idée que les thérapies innovantes du cancer », viendraient mettre en péril toutes les ressources de l’assurance-maladie. « En France, les dépenses liées au cancer représentent 10 % des dépenses totales de l’assurance-maladie. Et sur les 15 milliards dépensés chaque année pour le cancer, le coût des thérapies ciblées et de l’immunothérapie, a représenté 1,71 milliard d’euros en 2014 », indique le Pr Soria en citant d’autres chiffres sur le coût des affections de longue durée (ALD) remboursées à 100 % par l’assurance-maladie. « Une étude de 2009 montre que les tumeurs malignes arrivent à la 14e place dans le classement des pathologies les plus coûteuses avec un coût moyen d’un peu moins de 9 000 € par patient. Ce qui place le cancer derrière la mucoviscidose (22 000 € en moyenne), l’hémophilie (20 000 €) ou le VIH-sida (13 000 €) », souligne le Pr Soria.
Toujours pour « contextualiser le débat », il met aussi en avant le coût des dépenses de transport sanitaire des patients. « La France est le seul pays où l’on rembourse les ambulances, les VSL ou les taxis pour tous les patients. C’est peut-être une bonne chose mais il faut savoir que cela coûte environ trois milliards d’euros par an. Soit trois fois le coût des thérapies innovantes du cancer. Et le coût de ces transports augmente de 6 % par an depuis six ans », indique le Pr Soria.
Ce dernier insiste sur un autre point : l’accès aux molécules innovantes via les essais cliniques. « La participation des patients aux essais de phase 1, 2 ou 3 reste un enjeu majeur pour notre pays qui doit garder sa place dans le domaine de la recherche clinique. Et n’oublions pas que, dans ces essais, les molécules sont fournies gratuitement par les laboratoires pharmaceutiques. C’est un accès à l’innovation pour un nombre significatif de patients », souligne le Pr Soria, qui s’agace un peu de l’attitude de l’assurance-maladie. « Nous avons pas mal de contrôles de la caisse nationale qui, parfois, refuse de rembourser les autres coûts pour les patients inclus dans ces essais (eg antidouleur, explorations biologiques) alors qu’elle devrait plutôt considérer qu’elle fait des économies importantes puisque les molécules sont données gracieusement aux patients », ajoute-il.
De manière plus générale, le Pr Soria s’inquiète de voir certains traitements ne plus passer le cap du remboursement en France. « C’est le cas de certains anti-angiogèniques, comme le ramicurimab pour le cancer de l’estomac qui n’est pas remboursé en France alors qu’il l’est en Allemagne ».
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