De nombreux essais thérapeutiques contrôlés ont évalué si les acides gras oméga-3 – association d’acide eicosapentaénoïque (EPA) et d’acide docosahexaénoïque (DHA) – à dose faible ou moyenne (> 1 g/j) peuvent réduire le risque d’événements cardiovasculaires (CV) majeurs en prévention CV primaire ou secondaire. Tous ces essais ont échoué à en démontrer un bénéfice : comme en rend compte la méta-analyse du groupe Cochrane publiée en juillet dernier, portant sur plus de 112 000 patients, et l’étude ASCEND parue en septembre, incluant plus de 25 000 patients, il n’y a aucune réduction du risque d’événements CV majeurs sous oméga-3.
Par ailleurs, chez des patients traités par statine et dont le cholestérol LDL (LDL-C) est bas, les essais thérapeutiques contrôlés évaluant de nouveaux hypolipémiants ont montré des réductions certes significatives des événements CV majeurs, mais d’ampleur relativement modeste, de l’ordre de 7 à 15 %. C’est dans ce contexte que les résultats de l’étude REDUCE-IT, présentés par Deepak L. Bhatt, ont créé la surprise lors de sessions scientifiques de l’AHA.
Une baisse de 25 % du risque CV selon REDUCE-IT
L’étude REDUCE-IT (Reduction of Cardiovascular Events with EPA – Intervention Trial) vient modifier les données acquises dans le traitement des dyslipidémies et crée, a priori, une véritable avancée dans la prise en charge du risque CV. Cet essai thérapeutique contrôlé a été conduit en double aveugle, contre placebo, afin d’évaluer un oméga-3 purifié, exclusivement de l’EPA, et à forte dose (4 g/j). Il a inclus 8 179 patients, dont 70 % étaient en prévention CV secondaire et 30 % en prévention CV primaire, avec dans ce dernier cas un diabète et un facteur de risque CV supplémentaire.
Les trois critères lipidiques d’enrôlement des patients étaient le suivi d’un traitement par statine, un LDL-C compris entre 0,4 et 1 g/L et une triglycéridémie comprise au moins une fois entre 1,5 et 4,99 g/L à deux dosages successifs. À l’inclusion, le LDL-C était en moyenne à 0,75 g/L, et, par rapport au placebo, a diminué de 6,6 % sous EPA ; la triglycéridémie était à 2,16 g/L, et a diminué en moyenne de 19,7 % sous EPA.
Au terme d’un suivi médian de 4,9 ans, il a été observé une réduction des événements du critère primaire (décès CV, infarctus du myocarde non fatal, AVC non fatal, revascularisation coronaire ou angor instable justifiant une hospitalisation) de 25 % en valeur relative : 17,2 % sous EPA, et 22 % sous placebo (HR : 0,75 ; IC 95 % : [0,68 – 0,83] ; p = 0,00000001). Par ailleurs, chacun des événements du critère primaire a été significativement réduit. De même, le nombre d’AVC a baissé de 28 % en valeur relative (HR : 0,72 ; IC95 % : [0,55 – 0,93] ; p = 0,001). Seule la mortalité totale n’a pas été diminuée significativement (HR : 0,87 ; IC95 % : [0,64 – 1,02]).
Les analyses complémentaires ont montré également, sous EPA, une réduction du risque de mort subite certifiée comme cardiaque (1,5 % vs 2,1 % ; HR : 0,69 ; IC95 % : [0,50 – 0,96]) et d’arrêt cardiaque (0,5 % vs 1,0 % ; HR : 0,52 ; IC95 % : [0,31 – 0,86]). Elles ont aussi mis en évidence un effet homogène quel que soit le sous-groupe considéré, notamment en prévention CV primaire et secondaire.
Les effets indésirables significativement plus élevés sous EPA étaient : le risque d’œdèmes périphériques (6,5 vs 5 %), de constipation (5,4 vs 3,6 %), de fibrillation atriale (5,3 vs 3,9 %). Inversement, de moindres risques de diarrhée (9,0 % vs 11,1 %) et d’anémie (4,7 vs 5,8 %) étaient observés.
La molécule ou les triglycérides ?
L’ampleur du bénéfice, tant en prévention primaire que secondaire, comparativement à un effet relativement modeste sur les paramètres lipidiques chez des patients ayant un LDL-C bas, laisse penser qu’il n’est pas induit par des effets lipidiques et/ou par le profil clinique et lipidique des patients, mais par des mécanismes spécifiques (antithrombotiques, anti-inflammatoires…).
L’analyse en sous-groupe n’est pas en faveur d’un effet clinique médié par la diminution des triglycérides. En effet, elle a montré que l’effet clinique est homogène, que les patients aient eu à l’inclusion des triglycérides supérieurs ou inférieurs à 2 g/L, voire à 1,5 g/L, et que la triglycéridémie atteinte sous traitement ait été supérieure ou inférieure à 1,5 g/L.
Une hypothèse évoquée pour expliquer l’effet constaté concerne le placebo, qui était constitué d’une huile minérale dont l’effet adverse potentiel à long terme est inconnu.
Ces résultats restent à confirmer, et la compréhension de leur mécanisme à élucider. Plusieurs essais sont en cours : STRENGH, RESPECT-EPA et EVAPORATE.
Bhatt DL et al. Cardiovascular risk reduction with icosapent ethyl for hypertriglyceridemia. NEJM. 2018 Nov. DOI : 10.1056/NEJMoa1812792
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