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Dossier

Dermatite atopique : vers des traitements proactifs

Par Dr Maia Bovard Gouffrant - Publié le 15/01/2021
Dermatite atopique : vers des traitements proactifs


SPL/PHANIE

Entièrement virtuelles, les Journées dermatologiques de Paris (1-5 décembre) ont été l’occasion de revenir sur les nouvelles recommandations européennes sur la dermatite atopique (DA). Publiée fin 2020 par l’ETFAD (European Task Force Atopic Dermatitis) et l’EADV (European Academy of Dermatology and Venereology), la nouvelle feuille de route intègre l’arrivée des biothérapies, que ce soit pour les adultes ou les enfants, et promeut une stratégie « proactive » dès les stades de sévérité modérée.

Les traitements de base – émollient, bains d’huile, évitement de tous les allergènes impliqués ainsi que des irritants non spécifiques – restent inchangés. « En revanche, insiste le Pr Laurent Misery (Brest), il ne faut pas proposer d’exclusion d’aliments si leur rôle n’est pas prouvé ». À tous les stades, antibiotiques et antiseptiques ont leur place pour enrayer l’infection qui pérennise la DA.

Prendre de vitesse la maladie

Le schéma classique proposait des dermocorticoïdes ou des inhibiteurs de la calcineurine topiques pour les lésions visibles, ces traitements étant arrêtés une fois les lésions « blanchies ». « Mais en ne traitant que lors des crises, poursuit le dermatologue on reste toujours en retard sur la maladie. Aussi privilégiera-t-on un traitement proactif. » À savoir, des topiques anti-inflammatoires à faible dose, appliqués de façon intermittente au long cours sur les zones cutanées qui récidivent fréquemment, tout en préservant mieux la barrière cutanée que les applications continues. Les corticostéroïdes (CS) topiques de classe II ou III et le tracrolimus ont fait la preuve de leur efficacité à prévenir les récidives. Ainsi le tacrolimus à 0,1 % ou les dermocorticoïdes (fluticasone ou méthylprednisolone) appliqués 2 fois par semaine permettent de limiter les exacerbations de DA. Le traitement proactif par tacrolimus topique améliore la qualité de vie et se révèle d’un rapport bénéfice/coût favorable.

Le passage à des traitements systémiques s’impose lorsque la DA n’est pas contrôlée ou dans les formes sévères avec lésions étendues. Jusqu’à présent, on ne disposait que d’immunosuppresseurs tels que les corticostéroïdes oraux (dont le rapport bénéfice/risque n’est pas favorable et qui sont contre-indiqués chez l’enfant), la ciclosporine, l’azathioprine, le mycophénolate mofétil ou le méthotrexate. « Les biothérapies ont amélioré la prise en charge de la DA avec la mise à disposition du dupilumab », souligne le Pr Delphine Staumont-Sallé (Lille). Cet anticorps monoclonal humain ciblant les IL-4 et les IL-13, deux cytokines majeures impliquées dans la DA, est efficace du fait de son impact sur l’inflammation mais aussi sur l’expression des gènes impliqués dans l’effet barrière. Il est indiqué (par voie sous-cutanée) dans les DA modérées à sévères en cas d'échec, d'intolérance ou de contre-indication à la ciclosporine. Il améliore le score de la maladie, la qualité de vie et réduit fortement le recours aux corticoïdes. Toutefois, son principal effet secondaire, les conjonctivites, doit être prévenu par des soins des paupières, des larmes artificielles, des gouttes oculaires avec stéroïdes – dont la balance bénéfice/risque n’est pas forcément favorable – ou à base de ciclosporine.

La stratégie thérapeutique est nuancée en fonction du degré de sévérité de la maladie mais aussi de la symptomatologie associée. Si la plainte est plutôt centrée sur la douleur, on propose plutôt des antalgiques ; si le prurit domine, on s’oriente plutôt vers la ciclosporine, le dupilumab, les gabapentinoïdes, les antidépresseurs, ou des anti-H1 à dose élevée pour casser le cercle démangeaisons/grattage.

Bientôt des traitements efficaces contre le prurit ? 

On attend beaucoup des thérapeutiques à venir pour lutter contre ce prurit vis-à-vis duquel on est plutôt démuni. De nombreuses autres voies thérapeutiques sont en cours d’étude, avec en particulier des biothérapies ciblant l’IL-13 qui semblent assez efficaces, ou l’IL-31, cible importante pour le prurit avec le nemolizumab. Des petites molécules, les inhibiteurs de JAK 1 et 2 par voie systémique ou topique, sont en développement, et le baricitinib pourrait être disponible l’année prochaine, avec semble-t-il une efficacité importante sur le prurit. Une autre molécule, le crisaborole, inhibiteur de la PPDE4, disponible en pommade aux USA mais pas en Europe, est très efficace mais très onéreux. 

En bref… 

Attention aux huiles essentielles Très en vogue, les huiles essentielles peuvent être allergisantes et leur utilisation doit notamment être recherchée devant tout eczéma de contact.

Allergie aux produits de la mer, l’iode accusée à tort Nombre de patients se disent « allergiques à l’iode » pour avoir présenté une réaction cutanée ou une intolérance digestive suite à l’absorption de crustacés ou de poisson. En fait, l’iode n’a jamais été mise en cause, contrairement à d’autres allergènes comme la tropomyosine, une protéine musculaire présente chez les crevettes et les crustacés.

Des allergies… aux anti-allergiques En principe prescrits contre les allergies, les antihistaminiques peuvent provoquer des réactions allergiques type toxidermie voire aggraver ou déclencher une urticaire.