Mieux appréhender l’urticaire chronique

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Publié le 12/02/2021
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Pathologie auto-immune mais non allergique, l’urticaire chronique ne nécessite pas d’explorer les allergies alimentaires. La Société française de dermatologie ne s’aligne pas sur les recommandations européennes, et souhaite limiter l’escalade thérapeutique.
Pas d’examen paraclinique dans les formes spontanées isolées

Pas d’examen paraclinique dans les formes spontanées isolées
Crédit photo : phanie

La nouvelle classification des urticaires chroniques (UC) permet de mieux se repérer au sein de formes cliniques et étiologiques très hétérogènes. Elle distingue :

— Les UC inductibles (UCind) par des facteurs physiques (température, dermographisme, pression, eau, etc.), par contact, ou d’origine cholinergique ;

— Les UC spontanés (UCS) dont la cause est inconnue mais dont les poussées sont aggravées par des éléments physiques (2/3 des patients), des infections, la prise d’AINS, le stress, certains aliments, et chez lesquels on retrouve parfois une auto-immunité sur le plan biologique ;

— À part, la mastocytose urticarienne pigmentaire, les UC dont le mécanisme n’est pas histaminique (vascularites urticariennes, urticaires neutrophiliques, UC des maladies auto-immunes), les angioœdèmes bradykiniques, etc.

Limiter le bilan complémentaire

Les UCind peuvent être explorés par des tests de provocation. La plupart ne requièrent pas d’autres examens complémentaires sauf en cas de dermographisme (NFS, CRP pour rechercher une mastocytose) ou lorsqu’ils sont liés au froid (NFS, CRP, EPP, sérologies virales pour éliminer une cryoglobulinémie) ou aux vibrations (enquête génétique devant une exceptionnelle UC d’origine familiale).

Dans les UC atypiques (plus de 24 heures, pas ou peu de prurit), on recherchera des signes systémiques, et dans ce cas la biopsie cutanée peut être utile.

Dans les UCS isolés, il n’est actuellement pas recommandé de poursuivre les examens paracliniques, et ce n’est qu’en cas d’échec du traitement qu’on proposera NFS, VS CRP, TSH, Ac antiTPO et, en fonction du contexte clinique, la recherche d’une parasitose, d’un H. pylori, d’une enquête alimentaire.

Des recommandations contestées

La sévérité de l’UC est évaluée par le score UAS 7 (notation sur 7 jours, disponible sur l’application mobile urtiCARE) comme absent, léger, modéré et intense, selon le nombre de plaques et l’intensité du prurit. « Actuellement, il n’existe aucun marqueur biologique prédictif ni de la gravité de l’UC ni de la réponse aux traitements », constate la Dr Evelyne Collet (CHU de Dijon).

La conférence de consensus européenne de 2018 recommande, pour la 1re ligne de traitement des UCS les anti-H1 de 2e génération, dont la dose peut être multipliée par 4 si le contrôle est insuffisant, voire d’emblée si le prurit est intolérable, suivis l’omalizumab puis, en cas d’échec, de la ciclosporine. Ces recommandations ont été critiquées par le Gerda (groupe urticaire de la SFD), car, l’escalade thérapeutique se faisant par paliers de 2 à 4 semaines, on pourrait ainsi passer en moins d’un mois à l’omalizumab !

Les recommandations françaises restent les anti-H1 de 2e génération à doses usuelles en une prise le soir, évalués après 4 à 8 semaines, plus tôt si le malade est très gêné. Si aucune molécule n’a fait la preuve de sa supériorité à ce stade, en 2e ligne, la plupart portent sur la cétirizine et la desloratadine. À posologie multipliée par 4, il existe un risque de somnolence ; malgré l’absence d’alerte sur une éventuelle cardiotoxicité, il faut rester vigilant chez le sujet âgé, cardiaque, en cas QT long, d’hypokaliémie ou de traitements concomitants allongeant le QT ou diminuant le métabolisme des anti-H1. L’éventuel passage aux paliers thérapeutiques suivants se fait aussi après 4 à 8 semaines. En 3e ligne, le Gerda laisse le choix entre l’omalizumab et la ciclosporine ; ces deux molécules n’ont pas été directement comparées, mais la tolérance de l’omalizumab est nettement supérieure.

Les autres molécules — anti-leucotriènes, anti-H2, antipaludéens de synthèse, méthotrexate, etc. — n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité et ne peuvent être recommandées. L’arsenal thérapeutique devrait prochainement s’enrichir de nouvelles thérapies ciblées.

En ce qui concerne le recours aux corticostéroïdes systémiques, on est loin d’un consensus international ! Ils restent très utilisés aux États-Unis, mais les recommandations européennes, si elles les bannissent au long cours, les laissent « envisagés » pour une courte durée en cas d’exacerbation aiguë. Aucune étude n’a montré leur intérêt dans l’UC, et selon une étude lyonnaise, ils entraînent au contraire un effet rebond, un risque d’utilisation au long cours, et une résistance thérapeutique. « On recommande de ne jamais prescrire de CS et de sevrer tout patient qui en prend, même à fréquence très faible », insiste la dermatologue.

Session plénière, Situations fréquentes en médecine interne 

La SFD propose un algorithme décisionnel sur son site : https://reco.sfdermato.org/fr/recommandations-urticaire-chronique-spont…

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin