Hyperferritinémie, ce n’est pas toujours le fer

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Publié le 12/02/2021
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Un bilan relativement simple, éventuellement complété par une IRM hépatique, permet le plus souvent le diagnostic étiologique d’une hyperferritinémie. L’hépatosidérose dysmétabolique constitue la première cause de surcharge en fer, mais toutes les hyperferritinémies n’en sont pas systématiquement synonymes.
L’alcoolisme doit être éliminé

L’alcoolisme doit être éliminé
Crédit photo : phanie

L’hyperferritinémie se définit par des valeurs supérieures à 200 µg/l chez la femme à 300 µg/l chez l’homme. Dans les surcharges en fer, la ferritine est augmentée par une absorption intestinale ou des apports excessifs. En l’absence de surcharge martiale, l’hyperferritinémie peut relever d’un syndrome inflammatoire, d’une cytolyse hépatique, d’une myolyse ou d’une hémolyse, d’un alcoolisme (recontrôler après 3 semaines de sevrage), d’une hyperthyroïdie, d’une mutation de la L-ferritine ou encore d’une pathologie macrophagique.

L’examen clinique mesure l’IMC et le tour de taille — la première étiologie de la surcharge en fer étant l’hépatosidérose dysmétabolique (HSD) —, évalue la consommation d’alcool, recherche une hépatomégalie (ainsi que des angiomes stellaires, une circulation collatérale, témoins d’une cirrhose), une splénomégalie (présente dans la maladie de Gaucher), une cataracte précoce familiale, présente dans certaines mutations de la ferritine, des lésions cutanées de la face supérieure des mains (porphyrie). Il est rare actuellement de diagnostiquer tardivement une hémochromatose génétique au stade de mélanodermie ou d’hypogonadisme, en revanche l’atteinte articulaire de la 2e métacarpo-phalangienne peut en être un signe précoce.

« L’IRM du foie permet de calculer la charge hépatique en fer mais ne doit pas être réalisée de façon systématique. Elle est utile en cas de ferritinémie inexpliquée, pour rechercher une surcharge en fer ou pour l’hépatosidérose dysmétabolique si la ferritine est très élevée, au-delà de 1 000 µg/l », résume le Pr Marc Ruivard, médecine interne, CHU de Clermont-Ferrand.

Un algorithme a été développé pour guider les internistes dans la recherche d’éventuelles mutations, même si elles représentent une cause rare. On est orienté vers tel ou tel type de mutation en fonction du taux de ferritine, de la surcharge en fer à l’IRM et du coefficient de saturation de la transferrine.

Du régime méditerranéen à la saignée

L’HSD se définit — après avoir éliminé d’autres étiologies dont l’alcoolisme — par l’association d’une ferritine > 450 µg/l à des éléments du syndrome métabolique : tour de taille > 80 cm chez la femme et 94 cm chez l’homme ou IMC > 30 et au moins 2 autres critères — PAS ≥ 30mmHg ou PAD ≥ 85 mmHg, TG ≥ 1,5 g/l, glycémie > 1 g/l, HDL < 0,4 (homme) ou 0,5 (femme).

La procyanidine (polyphénol), qui réduit l’absorption intestinale du fer, a été testée dans l’hémochromatose héréditaire et l’HSD, mais les résultats sont décevants et elle ne permet pas de diminuer les saignées, aussi en reste-t-on au traitement classique. Une étude française de 2017 a montré que les saignées régulières peuvent aggraver l’insulino-résistance et réduire la qualité de vie, aussi sont-elles limitées à des indications précises.

« Dans l’HSD, ce qui est toxique, ce n’est pas le fer, mais le risque cardiovasculaire », souligne l’interniste. Pour prévenir ces complications, on préconise l’exercice physique et une diététique reposant idéalement sur le régime méditerranéen, ce qui suffit si la ferritine est < 1 000. Sinon, on demande une IRM hépatique. Les saignées ne sont alors indiquées pour ramener la ferritine à moins de 300 µg/l que si la charge hépatique en fer est > 120 µmol/g.

Session plénière, Situations fréquentes en médecine interne

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin