Inhibiteurs de pompe à proton

Pour une prescription raisonnée en pédiatrie

Publié le 27/06/2013
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Crédit photo : PHANIE

Les inhibiteurs de pompe à proton (IPP) bloquent la sécrétion acide gastrique, en agissant sur la production d’ions H +. Cette classe thérapeutique bénéficie d’une vogue très importante en pédiatrie avec une augmentation massive des prescriptions dans les dernières années.

Ces prescriptions sont en théorie guidées par les autorisations de mise sur le marché (AMM) et les consensus d’experts qui reprennent les données de la science. Il est ainsi possible, voire conseillé, d’utiliser ces médicaments en dehors de l’AMM, lorsque les données scientifiques le justifient, et en respectant un certain formalisme (information éclairée des parents, mention « prescription hors AMM » sur l’ordonnance entraînant le non-remboursement, mention dans le dossier médical de la justification de la prescription).

En pratique, de nombreuses prescriptions sont faites en dehors de ce cadre légal, faisant courir des risques parfois indus à certains patients (une cinquantaine d’effets secondaires plus ou moins fréquents et graves ont été décrits lors de 15 % des prescriptions), et au médecin prescripteur qui viole ainsi les règles établies (code de la santé publique, code pénal, code de déontologie).

Ce texte rappellera les AMM de ces produits pour l’enfant, ainsi que les recommandations officielles, essentiellement à partir de la monographie des produits, des recommandations de l’AFSSAPS de 2008 (1) et des recommandations internationales sur le reflux gastro-œsophagien de l’enfant (RGO) (2).

Reflux gastro-œsophagien

Les AMM sont claires et limitées (source : monographie Vidal ® 2 013)

L’ésoméprazole sachet peut être prescrit dans le cadre de l’AMM pour l’œsophagite érosive de l’enfant de 1 an à 11 ans, pour une durée de 8 semaines. Un traitement d’entretien plus prolongé est admis. L’ésoméprazole peut être utilisé de plus pour les symptômes de reflux typique, c’est-à-dire le pyrosis survenant plus d’une fois par semaine chez l’enfant âgé de 1 à 11 ans, pendant 8 semaines en première intention.

Au-delà de 11 ans, l’ésoméprazole comprimé est indiqué pour le traitement de l’œsophagite pendant 4 à 8 semaines et pour le traitement symptomatique du reflux pendant 4 semaines.

L’oméprazole gélules est indiqué à partir de 1 an pour l’œsophagite pour une durée de traitement de 4 à 8 semaines, pour le pyrosis ou les régurgitations acides pendant 2 à 4 semaines.

Le pantoprazole est indiqué chez l’enfant de plus de 12 ans dans l’œsophagite, pendant 4 à 8 semaines (un traitement d’entretien est admis) et pour le traitement symptomatique du reflux pendant 2 à 4 semaines.

Les sociétés savantes et les recommandations officielles ajoutent à ces indications l’œsophagite érosive de l’enfant de moins de 1 an.

Asthme, toux chronique, otites… pas de prescription d’IPP à l’aveugle

De très nombreux symptômes ou pathologies ont pu par ailleurs être rattachés au reflux dans le passé (3). Citons la mort subite du nourrisson, les malaises, l’asthme rebelle, la toux chronique, la voix enrouée, les otites, les laryngites, les troubles du sommeil, les pleurs du nourrisson, les événements cardiorespiratoires du prématuré, l’érythème laryngé. La majorité des études et les recommandations des sociétés savantes déconseillent formellement la prescription d’IPP à l’aveugle dans ces conditions. Dans ces cas, une exploration du reflux est indispensable avant prescription ; celle-ci est autorisée en cas de reflux gastro-œsophagien acide prouvé.

Nous sommes donc loin de la pratique actuelle qui est de prescrire largement les IPP devant ces pathologies et symptômes.

En revanche, les sociétés savantes soulignent l’intérêt de la prescription d’IPP de façon large et prolongée éventuellement sur la seule base d’éléments cliniques dans certaines populations particulièrement à risque : les enfants avec atrésie de l’œsophage ou hernie diaphragmatique opérées, les polyhandicapés.

Les autres indications des IPP sont :

-L’infection à Helicobacter pylori (Hp), en association avec deux antibiotiques, après endoscopie, biopsies et antibiogramme. Les AMM ne mentionnent que la situation d’ulcère duodénal associé, pour l’enfant de plus de 4 ans et les formes gélules et comprimés de l’oméprazole et de l’ésoméprazole.

-L’ulcère gastro duodénal, avec ou sans hémorragie digestive (hors AMM sauf Hp associé)

-La mucoviscidose, en cas de pathologie peptique ou d’insuffisance pancréatique rebelle (hors AMM sauf reflux)

Ne sont pas des indications en revanche, en dehors du reflux :

-Le syndrome de Mallory-Weiss

-La prévention des ulcères de stress en réanimation

-La prévention de lésions gastroduodénales aux AINS

-Les varices œsophagiennes

-Les douleurs abdominales récurrentes d’allure fonctionnelle.

En conclusion, les IPP sont des médicaments puissants, trop utilisés en dehors de leurs indications officielles et des recommandations d’experts. Ils sont très efficaces sur leur cible qui est la production d’acide par l’estomac. Leurs indications indiscutables dans le reflux sont l’œsophagite érosive (prouvée par endoscopie) quel que soit l’âge, et le pyrosis du grand enfant. À part des populations particulièrement exposées comme les enfants opérés d’atrésie de l’œsophage, toute autre situation où le reflux est potentiellement impliqué devrait faire l’objet d’une évaluation objective de sa responsabilité possible et d’une exploration du reflux acide avant traitement éventuel. D’autres indications sont formelles : le traitement d’H pylori, la pathologie peptique gastroduodénale et certains cas de mucoviscidose.

Quand la prescription est en dehors de l’AMM, le médecin doit tenir compte des règles qui régissent cette situation.

1) AFSSAPS. Recommandations de bonne pratique. Antisécrétoires gastriques chez l’enfant. 2 008. www.ansm.sante.fr

2) Mouterde O. Reflux gastro-œsophagien : nouvelles recommandations. Médecine et Enfance 2 009 ; 29 : 371-15.

3) Sherman PM, Hassal E, Fagundes-Neto U et al. Consensus factuel sur la définition du reflux gastro-œsophagien pathologique en pédiatrie. Arch Pediatr 2 010 ; 17: 1 586-93.

Liens d’intérêt : aucun.

Dr Olivier Mouterde (CHU de Rouen, Université de Sherbrooke).

Source : Le Quotidien du Médecin: 9254