Peu connues du grand public, les neuropathies des petites fibres sont pourtant relativement fréquentes. Elles touchent hommes et femmes et ont un âge de début très variable. « Alors que les grosses fibres sont plutôt dédiées à la motricité et à la sensibilité proprioceptive et tactile, les petites fibres servent de support à la sensibilité thermoalgique, rappelle le Dr Hayet Salhi (CHU Henri Mondor, Créteil). C’est pourquoi les neuropathies des petites fibres se caractérisent par une symptomatologie douloureuse (sensations de brûlures, de décharges électriques, d’engourdissements, de fourmillements, etc.). À l’examen clinique, un trouble de la sensibilité thermoalgique est retrouvé, avec une hypoesthésie au chaud, au froid et à la piqûre (douleur) sans atteinte motrice associée, ni atteinte de la sensibilité tactile ou profonde. Les réflexes tendineux sont normaux aux quatre membres. Peuvent toutefois être retrouvés, des troubles dysautonomiques comme une hypotension orthostatique, des nausées, des vomissements, des diarrhées ou une constipation, une incontinence urinaire, une dysurie, des troubles érectiles, une xérostomie, une xérophtalmie. Des troubles paroxystiques douloureux (surtout au niveau de la face, des aisselles et du périnée) et des troubles vasomoteurs - œdèmes distaux, rougeurs, sensations de brûlures - entrant dans des tableaux d’érythromelalgie (érythermalgie) viennent encore parfois compléter la clinique ».
Dysfonctionnement d’un canal sodium
Les causes les plus connues de neuropathies des petites fibres sont l’intolérance au glucose et le diabète, le syndrome de Gougerot-Sjögren, les connectivites, certaines infections (Lyme, HCV, HIV), la toxicité liée à certaines chimiothérapies et les neuropathies amyloïdes familiales (maladie héréditaire, plus rare). Étant donné leur fréquence, ces causes doivent impérativement être recherchées en priorité.
Lorsqu’aucune d’entre elles n’est retrouvée, la question d’une mutation génétique se pose. Parmi les neuropathies héréditaires sensitives dysautonomiques connues, les recherches ont en effet permis de découvrir l’inculpation de nouvelles mutations génétiques : celles portant sur le gène SCN9A en font partie. Elles sont associées à l’altération du fonctionnement d’un canal sodium voltage dépendant (Nav1.7), qui joue en quelque sorte le rôle d’interrupteur pour des cellules nerveuses. Ce canal sodique Nav1.7 n’est retrouvé qu’au niveau du système nerveux périphérique, dans les racines dorsales des ganglions et dans le système sympathique. Ces canaux sodiques servent normalement à faire entrer le sodium dans la cellule, qui induit un influx nerveux dans l’axone des petites fibres : en cas de mutation du gène SCN9A, cela provoque une hyperexcitabilité nerveuse et donc un message douloureux persistant.
Évaluations neurophysiologiques en hôpital de jour
« Lorsqu’un confrère a éliminé les causes fréquentes de neuropathies des petites fibres, il peut nous adresser son patient pour une évaluation neurologique de recours en hôpital de jour : un interrogatoire et un examen clinique sont réalisés à la recherche de signes spécifiques comme l’allodynie tactile (apparition d’une douleur à la suite d’une stimulation tactile normalement indolore) ou à la pression, de crises douloureuses ou encore de troubles vasomoteurs fluctuants. Outre l’expertise clinique, le patient va bénéficier d’explorations neurophysiologiques comprenant la réalisation de potentiels laser, de QST (Quantitative Sensory Tests ou tests quantitatifs sensitifs), d’une recherche de réponse cutanée sympathique et d’un suddoscan (test de conductance), d’une biopsie neurocutanée sur le bord externe de la jambe pour calculer la densité de fibres nerveuses intra-épidermiques, ainsi que d’un prélèvement génétique à la recherche de mutation du gène SCN9A et du gène TTR si ce dernier n’avait pas été réalisé au préalable (amylose), précise le Dr Salhi. Comme il s’agit d’une mutation autosomique dominante, d’autres membres de la famille sont parfois touchés (même si la symptomatologie peut varier), d’où l’intérêt de le rechercher lors de l’interrogatoire. D’autres gènes ayant été récemment décrits comme pouvant être imputés dans cette pathologie, la recherche de mutations de ces gènes SCN10A (pour le canal sodique 1.8) et SCN11A (pour le canal sodique 1.9) se fera prochainement dans le service de génétique. En cas d’anomalie retrouvée, nous ne sommes pas complètement démunis : certains antiépileptiques (lamotrigine, carbamazépine) qui sont des bloqueurs des canaux sodiques peuvent améliorer la symptomatologie. Les antidépresseurs (comme la duloxétine et la clomipramine) soulagent également certains de nos patients » conclut le Dr Salhi.
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