« Nous ne pouvons pas obtenir les mêmes résultats pour un patient atteint d’obésité depuis 30 ans que sur une personne dont la maladie est débutante. À un stade avancé et en cas d’obésité sévère, la chirurgie bariatrique peut être nécessaire, même si elle ne résout pas tout. De même, avec le temps, le tissu adipeux subit un remodelage (infiltration par les macrophages et fibrose) qui correspond à une maladie inflammatoire de bas grade », affirme le Pr Olivier Ziegler, chef du service diabétologie et nutrition au CHU de Nancy. Cette inflammation finit par devenir systématique et concerner les muscles, le foie, les vaisseaux… ce qui majore le risque de complications (insulinorésistance, stéato-hépatite métabolique, athérosclérose etc.) et complique le traitement.
Autre obstacle à la guérison des personnes obèses, leur vulnérabilité à l’hyperphagie et au binge eating (compulsions alimentaires sévères et répétées). Une étude de neuro-imagerie fonctionnelle du cerveau (1) a montré que les patients obèses sont hyperréactifs lorsque l’on leur présente des images de nourriture appétissante. Leur cerveau surréagit. « Une fois les compulsions installées, le système dopaminergique - qui est au centre du circuit de la récompense - fonctionne moins bien. Pour continuer à avoir un effet récompense suffisant, les personnes obèses sont obligées de manger plus et / ou plus longtemps. Elles tombent alors dans la spirale infernale du binge eating disorder et nous avons beaucoup de peine à les en sortir pour obtenir une perte de poids. Car le maintien de leur alimentation compulsive a une explication neurobiologique. Nous savons désormais que le cerveau (en particulier le cerveau hédonique) est très impliqué dans la genèse de l’obésité, dans les troubles du comportement alimentaire et... dans les échecs thérapeutiques », note le Pr Ziegler.
Régimes et perte de poids.
Face à ces obstacles, peut-on vraiment faire maigrir les personnes obèses ? Les régimes alimentaires peuvent-ils contribuer à favoriser une perte de poids durable ? Une étude publiée dans le New England Journal of Medicine (2) va dans ce sens. Les auteurs ont suivi sur deux ans plus de 800 sujets obèses de 51 ans (ayant un IMC de 33 ± 4 kg/m2) sur lesquels ils ont testé toutes les combinaisons de macronutriments (glucides, lipides, protéines). En moyenne, les patients ont perdu 6,5 kg pendant les 6 premiers mois, mais ont repris 2 kg au cours des 18 mois suivants. Toutefois, 15 % d’entre eux ont réussi à perdre plus de 10 % de leurs poids au bout de deux ans. « Ces résultats sont, certes, deux fois moins bons que ceux obtenus par le biais de médicaments, puisque l’on sait que 30 % des patients ayant un traitement médicamenteux contre l’obésité réussissent à perdre 10 % de leur poids en deux ans. Mais ils ont tout de même le mérite d’être uniquement fondés sur des mesures diététiques », commente le Pr Ziegler.
Une autre étude européenne (3) a été réalisée sur six mois auprès de 1 200 personnes obèses (mais métaboliquement normales) ayant consommé des substituts de repas pendant huit semaines pour perdre au moins 8 % de leur poids initial, avant le tirage au sort d’un régime destiné à stabiliser le poids. Elle a notamment montré que ce sont les régimes riches en protéines et avec un indice glycémique faible qui permettent un maintien du poids (après amaigrissement) optimal sur six mois. « Il y a donc encore des pistes de travail à explorer pour maintenir le poids des personnes obèses et améliorer les comorbidités par le biais de régimes alimentaires », assure le Pr Ziegler.
éducation thérapeutique.
Soigner l’obésité est évidemment bien plus complexe qu’une simple question de diététique. « À mon sens, l’éducation thérapeutique est, actuellement, notre meilleure chance d’aider les patients obèses de façon globale et durable. Le soignant doit devenir éducateur et le patient, un apprenant. Le médecin est amené à faire preuve d’empathie et à travailler sur les émotions de son patient : 80 % des personnes ayant une obésité massive ont été victimes de traumatismes psychologiques ou de carences affectives. Souvent, le binge eating et les régimes restrictifs sévères peuvent être considérés comme des comportements de maîtrise de l’angoisse. C’est d’ailleurs pour cela que certains patients multiplient les régimes. Il nous faut travailler au sein d’équipes pluridisciplinaires (au moins en binôme : un médecin et diététicien formé aux approches cognitivocomportementales ou un psychologue) pour prendre en charge à la fois sur le plan somatique et psychologique nos patients sévèrement obèses, de façon efficace », conclut le Pr Ziegler.
(1) Stoeckel LE, et coll. 2008 NeuroImage. 41: 636-47.
(2) Sacks FM et coll. NEJM 2009.
(3) TM Larsen et coll. NEJM 2010.
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