« Selon une extrapolation à partir des courbes actuelles, le pourcentage de myopies légères dans la population va passer de 23 % en 2000 à 50 % en 2050, et de 3 à 10 % en ce qui concerne les myopies fortes (≤ 5 D) », alerte le Pr Vincent Daien (Montpellier). Une étude multicentrique française montre que, dans des centres dédiés aux troubles de la réfraction, la prévalence de la myopie était de 40 % en 2012-2013, chez plus de 100 000 individus âgés en moyenne de 38 ans.
Cette épidémie annoncée est d’autant plus préoccupante que la myopie peut s’accompagner de complications, notamment maculaires − choroïdose, néovaisseaux −, on parle dans ce cas de « myopie pathologique ». Dans la population générale en Europe, on estime le taux de myopies pathologiques entre 0,9 à 3,1 %, et il y a entre 0,1 et 0,5 % de myopies avec déficience visuelle. En France, une étude menée elle aussi dans des centres spécialisés dans les troubles de la réfraction, en 2020, retrouve 6,72 % de myopies fortes, dont 0,5 % de pathologiques, et 1,19 % de myopies très fortes, dont 4,27 % de myopies pathologiques et 10 % avec déficience visuelle/cécité.
Enfin, la myopie est un facteur de risque de glaucome à angle ouvert, celui-ci étant multiplié par 1,65 si la myopie est légère, et par 2,46 quand elle est sévère. Le risque de décollement de rétine est de 15 à 34 pour 100 000 en cas de myopie légère, de 287 pour 100 000 pour une myopie très forte.
Efficacité de l’atropine
« Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, celle de la gestion active de la myopie, en associant, à la lutte contre les facteurs de risque modifiables − comme le manque d’exposition à la lumière naturelle, le temps passé devant les écrans et le travail de près −, diverses approches mécaniques et/ou pharmacologiques afin de freiner la myopie », insiste le Pr Arnaud Sauer (Strasbourg).
Selon une métaanalyse de 2016, l’atropine à haute dose (1 %) constituait le traitement le plus efficace pour ralentir la myopie. Une revue Cochrane de 2020 complète ces données en interrogeant 41 études cliniques bien menées. Parmi les traitements les plus efficaces, figure toujours l’atropine à différents dosages, les plus fortement dosées étant associées à des effets indésirables à type de photophobie ou de perte de la vision de près. Une étude de 2015 avait montré qu’à 2 ans, elle freine la myopie respectivement de 80, 75, 70 et 60 % pour des dosages de 1, 0,5, 0,1 et 0,01 %. Mais les deux concentrations les plus élevées entraînent un rebond important à l’arrêt du traitement, et in fine les deux dosages les plus intéressants sont les 0,1 et 0,5 %, qui permettent une freination certaine, avec peu d’effets indésirables ni d’effets rebond.
L’atropine peut être associée, ou non, à des lunettes multifocales. Notons que la pirenzepine et le cyclopentolate en collyre sont efficaces, mais au prix d’effets indésirables importants.
La correction, mais pas seulement
Les lunettes Dims (defocus incorporated multiple segments) ou Hast (highly aspherical lenslet target), les lentilles bifocales, et l’orthokératologie, ont une efficacité un peu moindre. Les lunettes utilisant la technologie Dims ou Hast associent à une zone centrale, corrigeant la myopie, une zone périphérique permettant de la défocaliser. Elles réduisent la progression de la myopie et l’élongation axiale après 24 mois de port.
Les lentilles bifocales se montrent nettement supérieures aux monofocales, qui ne corrigent que la vision centrale.
Quant aux lentilles d’orthokératologie semi-rigides, elles sont portées la nuit. Elles remodèlent la courbure de la cornée. Elles assurent un effet freinateur sur la myopie de 50 % à 2 ans, mais elles ne s’adressent qu’à des myopies moyennes et provoquent un effet rebond un an après l’arrêt du traitement chez pratiquement tous les patients.
On sait en revanche maintenant que la sous-correction, l’addition périphérique (une addition de puissance de la zone périphérique qui vise à corriger le défocus hypermétropique), les lentilles rigides, la suppression des aberrations sphériques, le tropicamide, le timolol, n’ont pas d’effet sur la freination de la myopie.
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