Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 480 millions de personnes seraient atteintes de BPCO dans le monde, c’est la troisième maladie la plus mortelle. Selon les chercheurs (1), les prévisions devraient atteindre environ 645,6 millions de personnes (dont 454,4 millions d’hommes) en 2050, soit une augmentation de 36 % par rapport à la situation actuelle. Le nombre de patients atteints de BPCO dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire sera le double de celui des patients des pays à haut revenu.
Une part importante du fardeau de la BPCO est évitable. Pour obtenir de meilleurs résultats et prévenir au moins certaines formes de BPCO, la « Commission Lancet sur la BPCO » propose de nouveaux concepts, d’une définition révisée de la maladie et de ses exacerbations à une nouvelle classification étiologique (2).
Une classification étiologique en cinq types
La BPCO est une maladie complexe et hétérogène, et sa physiopathologie implique divers degrés de remodelage des voies respiratoires, d’inflammation et de destruction des tissus. Cette hétérogénéité se manifeste par des grandes variations des symptômes respiratoires, des conséquences systémiques et des comorbidités. « Cela explique aussi la difficulté à la mise au point de nouveaux médicaments : seules 3 % des molécules passent de la phase I à l’AMM dans le domaine respiratoire », souligne le Pr Donald Sin (Vancouver, Canada) ; à titre de comparaison, ce taux est de 11 % en dermatologie, 9 % en hématologie, 8 % en neurologie et 7 % en oncologie (3).
« Nous proposons de classer la BPCO en cinq types différents, selon le facteur de risque prédominant à l’origine de la maladie : la génétique (déficit en alpha-1-antitrypsine), les évènements précoces (prématurité, asthme), les infections respiratoires (tuberculose, VIH), l’exposition au tabac (ou e-cigarette, cannabis), et l’exposition à d’autres pollutions environnementales (intérieures, extérieures, professionnelles), explique Daiana Stolz (Bâle, Suisse). Les mécanismes physiopathologiques liés à chacune de ces expositions pourraient se traduire par des progrès diagnostiques, pronostiques et thérapeutiques spécifiques (4). »
La Commission Lancet souligne ainsi de nombreuses possibilités de prévention de la BPCO, en protégeant la santé pulmonaire tout au long de la vie.
Des antibiotiques dans les exacerbations ?
L’intérêt des antibiotiques dans le traitement de la BPCO est toujours débattu, car une grande partie des exacerbations est associée à des infections virales.
L’essai multicentrique en double aveugle Abacopd a randomisé 294 patients en Allemagne, pour recevoir soit la sultamicilline, soit un placebo (5). Un tiers avaient une maladie de stade Gold I ou II.
Il apparaît que le taux d’échecs thérapeutiques (patients nécessitant une antibiothérapie supplémentaire pendant la période traitement ou jusqu’à la visite de guérison J30) était de 15,3 % parmi ceux ayant reçu la sultamicilline, contre 25,0 % pour ceux qui avaient reçu le placebo. Mais, après estimation de la différence statistique (Mantel-Haenszel), la non-infériorité du placebo par rapport à la sultamicilline n’a pu être démontrée. Et, dans le groupe Gold I/II, les taux d’échecs étaient supérieurs dans le groupe sultamicilline : 29,82 % vs 14,29 % (— 23,86 [— 39,88 ; — 7,83]%).
L’analyse de tolérance a montré une proportion plus élevée de patients présentant au moins un effet indésirable dans le groupe antibiotiques (53 %) par rapport au groupe placebo (42 %, p = 0,0453).
En conclusion, cette étude n’a pas permis de démontrer que l’antibiothérapie n’est pas nécessaire chez les patients souffrant d’exacerbations aiguës à modérées de la BPCO à tous les stades de la maladie. Cependant, elle ne semble pas indispensable pour les stades I/II Gold et elle ne peut être refusée aux stades III/IV, malgré des effets indésirables plus fréquents.
Place de la corticothérapie orale
La corticothérapie orale doit être utilisée avec précaution, compte tenu de ses effets secondaires. L’objectif de l’étude contrôlée multicentrique Starr-2 était d’évaluer l’efficacité d’une corticothérapie (prednisolone orale) guidée par les éosinophiles sanguins (≥ 2 %) dans les exacerbations de BPCO, par rapport à une corticothérapie non guidée (6). 152 patients ont été inclus. Les résultats ne montrent pas de différence concernant l’échec de traitement, que l’utilisation de la prednisolone soit guidée ou non par les éosinophiles (27 % vs 34 % ; RR = 0,82 ; IC95 [0,54-1,23] ; p = 0,34). Cependant, la stratégie guidée par les éosinophiles permet une réduction de l’utilisation de la corticothérapie orale et pourrait diminuer les effets secondaires.
Exergue : En pneumologie, seules 3 % des molécules passent de la phase I à l’AMM
(1) ERS 2022. Late Breaking PA973. E Boers et al. An estimate of the global COPD prevalence in 2050: disparities by income and gender (2) Editorial. Towards the elimination of obstructive pulmonary disease. The Lancet, 2022 Sept 5th. 400 (10356):863. doi.org/10.1016/S0140-6736 (22)01700-7 (3) Barnes PJ et al. Barriers to new drug development in respiratory disease. Eur Respir J. 2015 May;45(5):1197-207 (4) ERS 2022. Communication de D. Stolz « Revisiting the diagnosis and classification of COPD », lors de la session « Towards the elimination of COPD » (5) ERS 2022. OA 753. GU Rohde et al. Randomized double blind placebo-controlled study to demonstrate that antibiotics are not needed in moderate acute exacerbations of COPD-Results from the ABACOPD study (6) ERS 2022. RCT711. M Bafadhel et al. Point of care blood eosinophil guided oral prednisolone for COPD exacerbations : a multi-centre double blind randomised controlled trial (the STARR2 trial).
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