LES DERNIÈRES recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) relatives à la prise en charge diagnostique et thérapeutique de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) datent de 2003 (1). Elles précisent que lorsque cette hypertrophie devient symptomatique, elle peut entraîner des manifestations de type irritatives (pollakiurie, impériosité mictionnelle) et/ou obstructives (dysurie, diminution du jet, gouttes retardataires). Ce cortège de symptômes est appelé « troubles urinaires du bas appareil [TUBA] ».
L’International Continence Society y ajoute la nycturie: réveils une ou plusieurs fois au cours de la nuit pour uriner, chaque miction étant précédée et suivie d’une période de sommeil. La conséquence directe de la nycturie est la perte de qualité du sommeil ainsi que la baisse de l’énergie diurne, qui peuvent retentir sur la qualité de vie. L’utilisation par le patient du questionnaire standardisé I-PSS (score international symptomatique de la prostate) est actuellement le score le plus utilisé pour l’évaluation initiale et le suivi des symptômes, avec ou sans traitement. Il comporte une question sur l’évaluation de la nycturie.
Un argument en faveur de fenêtres thérapeutiques ?
Une population de 1 688 hommes de 50 à 75 ans de la commune de Krimpen aan den IJssel, près de Rotterdam (Pays-Bas) fait l’objet d’un suivi longitudinal dans le cadre de la « Krimpen study » afin d’évaluer la prévalence de la nycturie, son incidence et ses conséquences sur la mortalité (2). Un questionnaire a été rempli lors de l’inclusion, comportant notamment celles du score I-PSS. La nycturie a été définie par la survenue de deux mictions nocturnes. Etaient en revanche exclus du suivi les patients ayant subi une prostatectomie radicale, une chirurgie transuréthrale ou atteints de cancer de la vessie ou de la prostate.
A l’issue d’un suivi de 6,5 ans, il est apparu que l’incidence de la nycturie est élevée, que sa prévalence augmente avec l’âge : 25 % à l’inclusion, 34,1 % à la fin de l’étude, p < 0,001… Mais aussi que ce symptôme régresse souvent spontanément : il disparait chez environ la moitié des patients entre deux visites. Par ailleurs, la plupart des hommes indemnes à l’inclusion le restent, après 6,5 ans. « C’est une notion qui pourrait conduire à faire discuter la nycturie en temps que facteur de gravité de l’HBP, et à faire évoquer des fenêtres thérapeutiques », note le Pr Desgrandchamps. A l’issue d’un suivi supplémentaire (13,3 ans au total), aucune association n’a été relevée sur la mortalité.
Le volume prostatique ne prédit pas l’échec du traitement.
Alors que qu’un grand nombre de travaux portent sur l’efficacité des thérapeutiques médicales de l’HBP, les études des facteurs de risque d’échec du traitement, au long cours, sont relativement peu nombreuses. Un essai prospectif écossais montre que le volume prostatique ne fait pas partie de ces facteurs (3)… 178 patients, confiés au service d’urologie d’un centre hospitalo-universitaire pour troubles urinaires du bas appareil attribués à un adénome prostatique, ont ainsi été suivis sur une période de 17 ans. L’échec thérapeutique, défini par la mise en œuvre d’une résection prostatique transuréthrale, est survenu chez 28 % des patients (n = 50). Dans deux cas sur trois, l’intervention a été réalisée dans les trois premières années de suivi.
Si les symptômes (index symptomatique de l’AUA [association américaine urologique]), le confort urinaire et la qualité de vie étaient dégradés chez les sujets en échec thérapeutique, le volume prostatique moyen, lui, ne montrait pas d’association. Evalué par échographie transrectale, il est donc comparable chez les patients suivant un traitement médical, ou opérés (p = 0,242).
D’après un entretien avec le Pr François Desgrandchamps (service d’urologie, hôpital Saint-Louis, Paris)
* les facteurs confondants retenus étaient l’âge, l’hypertension, l’albuminurie, l’obésité , le diabète, la BPCO, le tabagisme, l’alcoolisme régulier et une affection cardiovasculaire.
(1) ANAES. Prise en charge diagnostique et thérapeutique de l’hypertrophie bénigne de la prostate. Recommandations et références professionnelles. Saint-Denis, 2003.
(2) Van Doorn B, et coll. Nocturia : prevalence, incidence and mortality-risk in older men, the Krimpen study (Abstract 1).
(3) Graham J, et coll. Can symptom score and prostate size predict failure of medical treatment od LUTS/BPH ? Prospective 17-year follow-up study (Abstract 9).
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