Entre le premier semestre 2017 et 2018, la part des nourrissons ayant reçu un vaccin hexavalent (diphtérie, tétanos, poliomyélite, coqueluche, Haemophilus influenzae de type B et hépatite B) est passée de 93,1 % à 98,6 %. La hausse la plus spectaculaire concerne le vaccin contre le méningocoque C, pour lequel la couverture a bondi de 39 % en 2017 à 75 % en 2018. Le taux de vaccination contre l’hépatite B a, lui, gagné 5 points pour frôler les 98 %. Mais en ce qui concerne ces vaccins précisément, le constat est moins enthousiasmant chez les adolescents. Dans cette tranche d’âge, « aucun des taux de couverture vaccinale n’est atteint à l’heure actuelle, regrette le Pr Joël Gaudelus (pédiatre, hôpital de Bondy, Bobigny). À peine un tiers des adolescents a reçu le schéma complet contre le papillomavirus (HPV), le méningocoque C et l’hépatite B ». Globalement, seuls 8 % d’entre eux seraient correctement vaccinés à l’âge de 15 ans : 12 % des garçons et 3 % des filles, si l’on tient compte de la vaccination contre l’HPV (Vaccinoscopie 2015). Or, l’adolescence est une période à risque d’infection invasive à méningocoque ou de varicelle. C’est aussi une période de sensibilité particulière au papillomavirus.
SDTP, HPV et rattrapages
« Vacciner l’adolescent, c’est bien entendu lui délivrer les doses recommandées à cet âge (DPT, coqueluche et HPV), mais c’est aussi rattraper les vaccins qui n’auraient pas été injectés, ou de façon non optimale, rappelle le Pr Joël Gaudelus, c’est-à-dire le BCG jusqu’à 15 ans révolus, la varicelle (12-18 ans, pour les 10 % non immunisés), les deux doses de ROR chez toute personne née depuis 1980, le méningocoque C jusqu’à 24 ans révolus, l’HPV jusqu’à 19 ans révolus, l’hépatite B jusqu’à 15 ans (11-15 ans : deux doses à 6 mois d’intervalle). »
Si le rappel DPT est en général bien appliqué, « la couverture vaccinale HPV chez les filles reste très faible et insuffisante, en dessous de 30 %, regrette le Pr Daniel Floret, vice-président de la commission technique des vaccinations (Haute autorité de santé), même si une tendance à la progression se dessine ».
Par ailleurs, l’épidémie de rougeole (5 000 cas répertoriés sur 20 mois et 26 décès du 1er janvier 2008 au 30 juin 2019 selon l’Inserm) a braqué les projecteurs sur cette population d’adolescents mal vaccinés. « Nous sommes confrontés à l’obligation de réaliser ce rattrapage ROR à l’adolescence. La couverture vaccinale chez ces jeunes contre la rougeole n’est toutefois pas si mauvaise, approchant 95 % pour la première dose mais baissant à 90 % pour la seconde à 13 ans. Il faudrait que ce taux s’élève au moins à 95 % pour une prophylaxie efficace chez les plus à risque (la majorité des personnes décédées souffraient au moment de la contamination d’une déficience immunitaire). L’effort serait plutôt à porter sur les moins de deux ans (pour atteindre une couverture de 95 % à deux doses, ce que devrait permettre l’obligation vaccinale) et les grands adolescents à l’âge du lycée et de l’université, quasiment jeunes adultes », précise-t-il.
Autre rattrapage vaccinal problématique, celui contre l’hépatite B, recommandé jusqu’à l’âge de 15 ans révolus. Or, chez les adolescents, ce taux de couverture est préoccupant, au-dessous de 50 %. Le méningocoque C pose également question. Ce rattrapage est pourtant fondamental : c’est lui qui permettra l’immunité de groupe, protectrice des plus petits. La couverture vaccinale des adolescents reste très au-dessous des 90 % nécessaires pour instaurer cette protection collective (10-14 ans : 31,9 %, 15-19 : 23 %, 20-25 : 6 %).
Les adolescents peuvent aussi contaminer leur fratrie, lorsqu’ils ont la coqueluche par exemple. Cependant, « ils ne sont pas les principales sources de transmission de Bordetella pertussis depuis que l’on a introduit le rappel à l’adolescence (1998). Les nourrissons de moins de six mois ont été contaminés par les parents dans 60 % des cas. La couverture vaccinale des adolescents est acceptable bien que perfectible, de l’ordre de 92 % à 11 ans. Mais elle chute à 70 % à 15 ans », modère le Pr Floret.
Vacciner l’adolescent, mission impossible ?
Des progrès sont donc à réaliser à l’adolescence. « D’autant qu’immunologiquement, leur organisme répond mieux qu’à n’importe quel âge », rappelle le Dr Robert Cohen, pédiatre (CHI Créteil). Mais l’adolescent est difficile d’accès. « Il est peu malade et se rend rarement chez le médecin, sauf pour des certificats de non contre-indication à la pratique du sport, reconnaît le Pr Floret. Il est peu sensible aux messages de prévention et plutôt tenté par la prise de risques. Il faut éviter avant tout les pertes d’opportunité vaccinale, et profiter de chaque consultation pour vérifier ses vaccinations. Mais il faudrait surtout aller chercher les ados là où ils se trouvent et sont relativement captifs, de l’école à l’université. Les pays qui obtiennent de forts taux de couverture vaccinale, par exemple pour l’HPV, sont ceux qui vaccinent dans les écoles (Australie, Grande-Bretagne). Un sujet complexe à aborder en France. »
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