La lutte contre le sida sur fond de crise

Publié le 01/12/2011
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« AU COURS des dix dernières années, la riposte mondiale au VIH s’est traduite par des réalisations extraordinaires », se réjouissent l’OMS, l’UNICEF et l’ONUSIDA dans le dernier d’une série de rapports destinés à faire le point sur le sujet. L’incidence de l’infection a reculé de 25 % dans 33 pays entre 2001 et 2009. Un total de 2,7 millions de personnes ont été contaminées par le VIH en 2010, alors qu’elles étaient 3,1 millions en 2001. L’accès au conseil et au dépistage du VIH chez les femmes enceintes a augmenté, pour passer de 8 % en 2005 à 35 % en 2010. Le nombre d’établissements de santé fournissant un traitement antirétroviral a été multiplié par 3, passant de 7 700 en 2005 à 22 400 à la fin de l’année 2010. L’accès au traitement antirétroviral s’améliore dans les pays à revenu faible ou moyen : 6 650 000 personnes recevaient un traitement antirétroviral, soit 47 % de la couverture des besoins. Ils n’étaient que 400 000 lorsque l’OMS et l’ONUSIDA ont lancé l’initiative « 3 millions d’ici 2005 », qui « a fondamentalement changé la façon de penser la faisabilité du financement des antirétroviraux et d’autres médicaments et leur fourniture aux personnes en situation de ressources limitées », souligne le rapport. L’introduction des traitements a permis d’éviter 2,5 millions de décès dans le monde dans les pays à revenu faible ou moyen depuis 1995 (1,8 million en Afrique subsaharienne). Et 48 pays à revenu faible ou intermédiaire proposent désormais un traitement à plus de 50 % des adultes qui en ont besoin, dont 10 pays qui sont parvenus à l’accès universel (80 % de couverture).

Le nombre d’enfants recevant un recevant un traitement antirétroviral a augmenté, passant de 354 600 en 2009 à 456 000 en 2010, alors qu’un peu plus de 2 millions en auraient encore besoin, soit une couverture de seulement 23 %, « bien inférieure à celle de l’adulte qui est de 51 % ».

La meilleure couverture du traitement antirétroviral est l’un des multiples défis qu’il faudrait relever avant que l’accès universel à la prévention, au traitement, aux soins et à l’accompagnement ne devienne une réalité. « Dans de nombreux contextes, les résultats obtenus reflètent une couverture des segments de population les plus accessibles, souvent des citadins plus instruits disposant de ressources pécuniaires comparativement plus grandes et se trouvant géographiquement plus proches des systèmes de santé », notent les auteurs du rapport. Il s’agit désormais de toucher les populations les plus difficiles à atteindre, « notamment les communautés rurales plus modestes » et les populations les plus exposées : homosexuels, transsexuels, travailleurs du sexe, toxicomanes, migrants et détenus. En Europe orientale et en Asie centrale, qui accusent une augmentation du taux de décès liés au sida en hausse de 1 100 % entre 2001 et 2010, de 7 800 à 89 500, les usagers de drogues injectables sont l’une des populations clés les plus gravement touchées et l’une de celles qui continuent à avoir moins de chances d’accéder à une thérapie antirétrovirale.

Acquis durement obtenus.

Mais l’une des plus grandes inquiétudes vient de ce que tous les « acquis durement obtenus » sont aujourd’hui « menacés par les contraintes budgétaires consécutives à la récession de 2008 », relève le rapport. Les financements ont diminué de 15,9 milliards de dollars en 2009 à 15 milliards en 2010, alors qu’il faudrait de 22 à 24 milliards en 2015 pour financer la riposte mondiale. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, créé en 2001, est un élément essentiel de la riposte, avec UNITAID et le PEPFAR, le plan du président américain. La décision récente des pays donateurs du Fonds mondial d’annuler, le nouveau cycle annuel de financement, qui devait permettre de financer des programmes de prise en charge des patients, est, selon les associations comme AIDES ou ONE, un signe que les progrès dans ce domaine restent fragiles. Cette décision repousse à 2014, voire 2015, « toute nouvelle possibilité d’accès au traitement », l’aide internationale ne servant d’ici là qu’à financer le traitement des « 4 millions de malades déjà pris en charge par le Fonds mondial », poursuivent-elles.

Prenant au mot l’ONUSIDA, AIDES affirme : « Oui, l’utopie d’hier devient réalité », « Oui, la fin du sida est possible », la lutte commence à porter ses fruits et le traitement est la meilleure arme possible. Toutefois l’association met en garde contre tout « triomphalisme hâtif ». L’épidémie continue à avancer toujours plus vite que la lutte contre le sida – pour 2 personnes mises sous traitement, 5 nouvelles contaminations surviennent. Il s’agit de ne pas passer à côté d’une occasion historique sans précédent de mettre fin à une épidémie commencée il y a aujourd’hui trente ans. Pour cela, l’association propose 10 mesures concrètes pour la France et pour le monde, parmi lesquelles la mise en place d’une taxe sur les transactions financières (Taxe Robin), le doublement de la contribution de la France au Fonds mondial, l’augmentation de l’aide publique au développement à hauteur de 0,7 %. « Ne sacrifions pas les malades sur l’autel de la dette », dit Bruno Spire, président d’Aides.

 Dr L. A.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9051