Dépister les troubles « dys » chez l’enfant

Le généraliste a un rôle important dans le repérage

Publié le 12/02/2015
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Comment bien prendre en charge l’enfant souffrant de troubles « dys » (dyslexie, dysorthographie, dyspraxie, dysgraphie ou encore dyscalculie) ? Trois professionnels de santé ont tenté de répondre à cette question lors d’une conférence dans le cadre de la 30e journée d’urgences pédiatriques, qui a rassemblé près de 300 médecins à Lyon.

Pour le Dr Philippe Génard, médecin généraliste à Lyon, « la plupart du temps, le médecin de premier recours n’est pas celui qui dépiste le trouble. En général, il est plutôt détecté à l’école et la mère vient nous demander une ordonnance pour des séances d’orthophonie, car la maîtresse dit que le petit ne suit pas à l’école ». Il met cependant en garde contre la tentation de rédiger cette ordonnance sans réaliser une consultation dédiée. « La prescription d’un bilan d’orthophonie est un acte médical à part entière, souligne-t-il. Les médecins généralistes ont un rôle important à jouer et doivent se former pour ne pas commettre d’erreurs ». Un avis partagé par le Dr Jean-Paul Blanc, pédiatre à Saint-Étienne. « Tout problème scolaire n’est pas forcément un problème d’orthophonie », relève-t-il. L’enfant peut aussi avoir des difficultés à l’école parce qu’il souffre de troubles auditifs ou visuels, ou encore de troubles déficitaires de l’attention, voire de déficience mentale. Les diagnostics peuvent être multiples et il est important que le médecin puisse exercer son rôle de repérage.

« Pour cela, en fin de CP, il est important de faire lire un petit texte aux enfants », indique le Dr Blanc. Le médecin peut ensuite poser quelques questions, du type : « Comment ça va à l’école ? Quelles sont les notes obtenues ? Est-ce que tout se passe bien ? » Il doit cependant faire attention aux réponses « paravent » parfois données par les parents : « il fait un blocage », « il est immature », « il a des problèmes de concentration »...

Analyser la situation familiale

« Il faut également être attentif aux répercussions psychologiques d’un problème scolaire, par exemple lorsque l’enfant pleure pour aller à l’école, a mal au ventre, ou montre des signes d’angoisse ou de dépression », conseille le Dr Blanc. Il pointe l’existence d’un cercle vicieux entre les troubles scolaires et les troubles psychologiques. « Il faut éviter d’entretenir ce cercle », met-il en garde. Ainsi, pour prescrire un bilan d’orthophonie, il rappelle qu’il faut « évaluer le langage écrit en faisant lire l’enfant, mais aussi vérifier les fonctions associées : vision, audition, praxies, calcul, etc. » Enfin, il ne faut pas oublier d’analyser la situation familiale, car le problème peut parfois y être lié (carence éducative, maltraitance…).

Le Dr Marie Titeca, pédopsychiatre à Lyon, précise que « le médecin doit être attentif à la dissociation entre ce que disent les parents et ce que dit l’enfant. Ce dernier, qui en a assez de ce qui ne va pas, a tendance à prétendre que tout va bien, alors que ses parents disent le contraire ». Le professionnel de santé doit aussi reconnaître que l’enfant a des performances normales dans certains domaines, voire supérieures à la moyenne, alors qu’il est en décalage avec ce qu’on serait en droit d’attendre à son âge dans d’autres domaines. Néanmoins, la prise en charge peut globalement améliorer l’ensemble. « L’enfant "dys" correctement pris en charge peut développer de très bonnes compétences et des acquis solides et fiables. Il faut expliquer aux parents que le primaire risque d’être difficile, mais que si l’enfant est bien suivi, tout s’arrangera au collège », conclut le Dr Titeca.

Anne-Gaëlle Moulun

Source : Le Quotidien du Médecin: 9386