ACQUISE À l’âge de 2 ans, la flore intestinale, ou microbiote intestinal, est composée de plus de mille espèces bactériennes différentes se nourrissant en partie de nos ingestats. Chaque individu est doté d’une flore spécifique et d’un métabolisme particulier lié au régime alimentaire suivi. Néanmoins, des grands groupes bactériens du microbiote, des phylum, sont présents chez la majorité des individus : les Firmicutes, les Bacteroides. La bonne santé de l’être humain pourrait dépendre de l’équilibre entre ces groupes de bactéries.
Le microbiote intestinal joue de multiples rôles. Il permet la fermentation de la partie non digérée du bol alimentaire, la détoxication de composés nocifs, constitue une barrière contre les microbes pathogènes. Des interactions entre les cellules humaines et le microbiote ont été mises en évidence, telles la stimulation du système immunitaire, le développement de tissus, la stimulation des défenses passives.
Entérotypes.
Dans la recherche de l’impact du microbiote intestinal sur des pathologies, notamment métaboliques, un écueil important était que 70 % des bactéries présentes dans le microbiote ne sont pas cultivables car anaérobies strictes. Or récemment, le développement du séquençage haut débit a permis d’utiliser la métagénomique comme outil d’exploration de cette fraction non cultivable. L’INRA de Jouy-en-Josas a identifié 3,3 millions de gènes bactériens (soit 150 fois le génome humain), dans une cohorte de 124 individus. Ces gènes déterminent de nombreuses fonctions, dont des activités enzymatiques complémentaires à celles déterminées par les gènes humains. Parmi tous ces gènes, 70-86 % des gènes sont dominants et 40 % sont communs à 50 % des individus. À l’inverser, des gènes rares sont partagés par 20 % d’individus, soit 2,4 millions de gènes. « Nous sommes tous assez similaires, mais pas identiques », a ainsi précisé le Dr Karine Clement.
Ont ainsi été mis en évidence les Entérotypes, c’est-à-dire des groupes de flore intestinale, comme il existe des groupes sanguins. Trois entérotypes distincts ont été révélés. Chaque groupe est caractérisé par un agencement d’espèces dominantes : Bacteroides, Prevotella ou Ruminococcus. L’entérotype apparaît indépendant de l’âge, du sexe, de l’IMC. Les entérotypes, spécifiques de chaque individu, sont très dépendants du régime alimentaire. L’entérotype Bacteroides agit sur les graisses animales, l’entérotype Prevotella sur les carbohydrates.
Chez la souris, une étude de l’équipe INSERM U1048 (Toulouse) a montré que chez des animaux du même âge, aux caractéristiques génétiques similaires, nourries pendant trois mois avec une alimentation riche en graisse, certaines sont devenues diabétiques sans modification de poids, quand d’autres, toujours sans modification de poids, sont restées non diabétiques. Or ces deux phénotypes de souris n’avaient pas le même profil microbiotique. Les souris diabétiques étaient caractérisées par une flore composée majoritairement de type Bacteroides, alors que chez les non diabétiques les Firmicutes dominaient. Au vu de ces résultats, la même équipe a alors modifié la flore intestinale en ajoutant des fibres alimentaires au régime riche en graisses. Le métabolisme des souris soumises à ce régime est alors proche des souris maigres non diabétiques.
Chez l’homme, la transposition de ces résultats est encore hasardeuse, mais les données animales engagent à l’étudier, avec à la clé des espoirs de nouvelles voies de traitement ou de prévention de maladies métaboliques par manipulation de la flore intestinale. De récents travaux ont exploré les relations potentielles entre microbiote et la régulation du poids, mettant en évidence la différence entre la flore intestinale des patients obèses et des sujets minces. Lors de modifications caloriques entraînant une perte de poids, quel que soit le régime suivi, la prévalence des Bacteroides dans le microbiote intestinal augmente alors que celle des Firmicutes décroît, rejoignant les proportions observées chez le sujet normal. De même, la chirurgie bariatrique représente un modèle d’amélioration métabolique et inflammatoire, tissulaire et systémique... Et le by-pass gastriquea un effet drastique sur la composition de la flore intestinale.
D’après la conférence d’ouverture présidée par le Pr Michel Komajda (Paris) avec la communication de Karine Clement (Paris).
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